XVI

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Lord Alexander, 25 Juin 3260, 15h, Chapelle du Château de Greywall

Jamais je ne me suis senti aussi seul qu'à ce moment précis, devant l'autel, dos à cette assemblée qui attend avec impatience l'arrivée de ma future épouse, le joyau de la journée.

Soudain, alors que suis à deux doigts de m'évanouir, tous les invités se lèvent. Je tourne douloureusement la tête et vois Rose entrer dans la chapelle, au bras de Lord Hoover. Ils s'avancent jusqu'à moi, et le père me sourit en me donnant la main de sa fille. A partir de ce moment, je n'entends plus les paroles du prêtre ou les remarques des invités les plus impolis. Mon regard est braqué sur Lady Rose et l'implore de me pardonner pour tout ce que je ne pourrai pas lui offrir.

― Moi, Alexander George David Sky, déclare vous prendre, Rose Mary Alicia Hoover comme légitime épouse. Je jure devant les dieux de vous aimer et de vous chérir (A ce moment, je ferme les yeux pour ne pas avoir à supporter son regard alors que je déglutis difficilement.) dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie, jusqu'à ce que la mort nous sépare.

Ses doigts caressent doucement le dos de ma main pour me tranquilliser, j'ouvre les yeux et ne peux qu'être rassuré par le sourire qu'elle m'offre, lorsque je la vois comme cela, j'arrive à me dire que passer le reste de ma vie avec elle sera loin d'être insupportables.

― Moi, Rose Mary Alicia Hoover, déclare vous prendre, Alexander George David Sky comme légitime époux. Je jure devant les dieux de vous aimer et de vous chérir dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie, jusqu'à ce que la mort nous sépare.

Alors, je lui passe l'alliance au doigt, sans trembler et sans réfléchir.

― En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme.

***

Me voici assis à une table, entouré des plus éminents membres de la société venus expressément pour mon mariage. Ils ne me connaissent pas, mais ne se privent pas de complimenter le choix de prendre Rose pour épouse.

Ma femme semble être ravie, elle discute avec passion, rit agréablement aux plaisanteries des invités, remercie chacun d'entre eux, reçoit avec un grand sourire les félicitations et boit joyeusement, peut-être un peu trop d'ailleurs. De temps à autre, elle me jette un petit regard pour me demander si tout va bien ; à chaque fois, je réponds par un sourire sincère, seulement une question me ronge l'esprit : Pourquoi a-t-elle accepté de m'épouser ? Elle dit que le seul fait que je sois là est bien suffisant à son bonheur. Pourtant, je n'arrive pas à comprendre, le simple fait d'imaginer Hartfield en aimer un autre me rendrait malade, me détruirait. Comment fait-elle pour accepter cela ? Comment peut-elle rayonner de bonheur le jour où on vient de l'enchaîner à un homme qui ne l'aime pas ?

***

― Alexander, je... Souhaitez-vous que je reste ? demande Rose alors que nous rentrons dans ma chambre.

― Et vous ? Le souhaitez-vous ?

Elle relève les yeux vers moi et s'approche.

― Eh bien, nous pourrions peut-être essayer...

Alors, je l'embrasse doucement. J'essaye de ressentir quelque chose, un minimum d'agréable, seulement, c'est comme à chaque fois que j'ai embrassé une femme, je ne ressens rien, juste l'humidité de ce baiser.

Rose finit par reculer et tente de défaire les nœuds de sa robe.

― Vous voulez que j'appelle une femme de chambre ?

― Non, aidez-moi, plutôt.

Elle se tourne et repousse ses cheveux pour que je puisse la libérer de son corsage.

― Dois-je tout enlever ?

― Comme vous le souhaitez, répond-elle d'une voix assurée.

Je défais le ruban de sa chemise qui tombe à ses pieds. Elle se tourne vers moi. Elle est belle, personne ne pourrait le nier, seulement pour moi elle est plus comme une peinture que j'admire qu'une femme que je dois désirer.

A son tour, elle défait les boutons de mon gilet, puis les nœuds de ma chemise avant de me la retirer comme j'avais retiré celle d'Hartfield. Sa main se pose sur ma poitrine et ses lèvres sur les miennes, je bascule en arrière et mon dos rencontre le lit. Par moments, pendant une fraction de secondes j'arrive à imaginer que ses mains et ses lèvres sont celles du secrétaire du roi et je me sens frissonner, mais cela ne dure qu'un infime instant. J'ai beau essayer d'imaginer que ses caresses sont celle d'un homme, cela ne fonctionne pas, parce qu'elles ne le sont pas, parce que je sais très bien que c'est elle, et l'imaginer comme cela, sur moi, me rebute plus qu'autre chose.

― Je... Rose, dis-je en détachant nos lèvres.

Mes yeux parcourent son visage.

― Je crois que ça ne va pas fonctionner.

― Même si...

Elle glisse sa main dans mon pantalon, mais cela n'y fait rien, au contraire cela me dégoûte. Je sais que si je faisais un effort cela pourrait marcher, mais égoïstement, je n'ai pas envie de faire cet effort.

― Arrêtez.

Elle s'écarte de moi, je vois qu'elle est triste, au bord des larmes.

― Rose, vous êtes magnifique, seulement...

― Je ne suis pas Lord Hartfield.

Je prends sa main et elle vient se blottir contre moi.

― Je suis désolé.

― Vous me l'avez déjà dit, et j'ai répondu que j'allais tout de même vous épouser. Ne soyez pas désolé de ne pas pouvoir m'aimer, soyez désolé qu'on ne vous laisse pas aimer la personne chère à vos yeux.

― Rose ?

― Oui ?

― Je suis heureux de vous avoir épousé.

― Moi aussi Alexander.



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