Lord Alexander Sky, 24 février 3261, 22h57, Arclif

Nous avons organisé un bal auquel nous avons convié quelques commerçants voisins que nous avons le plaisir de compter parmi nos amis. La maison est presque pleine à craquer.

A contre cœur, je me suis promis de ne pas jouer aux cartes, infliger à Lord William Beal deux défaites dans la même journée serait du suicide, bien que l'envie me taraude. Tandis que j'observe avec grande attention la partie, Lady Beal arrive à ma hauteur avec sa sublime toilette vert émeraude, la robe est assortie avec les pierres précieuses qui ornent son coup et ses oreilles.

- Vous ne jouez pas ?

- J'étais justement en train de penser qu'il est difficile de résister à l'envie de battre votre mari, mais les risques seraient trop grands, je ne voudrais pas me risquer à perdre un ami, lui dis-je à voix basse pour ne pas déranger les joueurs.

Elle rit en portant son verre à ses lèvres. Elle concentre son attention sur la table de jeu pour observer son mari, à cet instant précis, il est impossible de savoir s'il gagne où perd face à Lord Argent. Un redoutable adversaire... songé-je.

- Auriez-vous quelque autre confidence à me faire depuis la dernière fois ? demandé-je dans un souffle presque inaudible.

Elle revient vers moi et me dévisage, avant de se remettre à rire.

- Malotru ! dit-elle pour se moquer de moi.

Surpris, les joueurs se retournent vers nous. Alors, je donne mon bras à mon interlocutrice et nous nous éloignons de quelques mètres.

- Je sais très bien que vous voulez parler de l'attention que Lord Argent me porte.

- Alors ?

- Non, pour être honnête, je ne pourrais faire cela à une jeune fille telle que Maude North, voyez comme elle rayonne d'être bientôt marquise. Je pense qu'elle sait très bien qu'elle ne fait pas un mariage de sentiments, mais ne lui rendons pas les choses plus difficiles.

Je hoche la tête et jette un coup d'œil à l'intéressée qui suit attentivement la partie à côté de son futur époux. Elle doit le savoir en effet, mais je pense qu'elle espère tout de même qu'ils ne seront pas si mal assortis, et qu'avec le temps... C'est ce que disent toujours les parents : « Avec le temps, vous apprendrez à vous apprécier... ».

- Dieux... ce que les soirées deviennent pesantes lorsque l'on parle d'amour, soupire Lady Beal.

- Je n'appellerais pas cela de l'amour.

- Vous devez le savoir mieux que moi.

Je lève la main pour la poser sur son épaule en signe de soutien. Elle sursaute, me dévisage, mais laisse vite tomber les bonnes manières, il y a tant de monde ici, personne ne remarquera jamais rien.

- Ne dites pas cela, vous avez encore toute la vie devant vous. Et puis, j'ai horreur de voir les gens tristes dans de telles circonstances, nous sommes à un bal Lady Beal, il faut vous amuser. Venez danser avec moi.

Elle sourit tristement mais sincèrement et me prend le bras. Juste avant d'entamer la danse, elle me dit :

- Vous savez parler aux femmes, Lord Sky.

Bien sûr, il n'y a aucun sous-entendu, c'est surtout une blague, mais pas la première du genre que l'on me fait.

- Je ne sais vraiment pas comment vous arrivez à me trouver une telle qualité, réponds-je, amusé.

Elle hausse les épaules.

Le reste de la danse est silencieux, enfin, je veux dire par cela que nous ne parlons pas, et ce semi-silence nous est agréable, enfin je crois deviner qu'elle en a autant besoin que moi. Les songes ont toujours besoin d'un peu de temps pour se ranger au bon endroit. Même si on essaye de ne penser à rien pendant le court instant d'une danse, il est toujours difficile d'oublier tous ces mots qui tournent dans nos têtes. Et encore... les mots sont souvent bien plus faciles à occulter que les souvenirs des sons, en particulier les cris et les tirs. C'est toujours aux moments les plus inattendus qu'ils refont surface, même pendant une fête des plus réjouissantes.

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