12 - « Une renarde maligne »

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OWEN


J'apprends vite, clama le prince.

Ces mots résonnaient dans ma tête tel un écho intangible.

Je n'ai pas autant confiance en ma capacité d'assimilation...

Le visage rivé vers le ciel, j'observai d'un regard éteint le ballet duveteux qui voguait doucement en des masses clairsemées. Une brise tiède balaya les mèches brunes qui encombraient mon front et s'immisça sous ma cape. Malgré la température douceâtre, je frissonnai en revenant à la dure réalité de ma nudité.

Vivement que cette rouquine féline revienne avec quelques vêtements.

Ils ne seraient probablement pas à ma taille, mais ils resteraient préférables à ce maigre bout de tissu urticant...


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Et j'affichai une mine radieuse, tandis qu'après quelques minutes, elle apparut à l'angle du moulin, les bras chargés.

— Ma sauveuse ! clamai-je en me levant.

J'acceptai le tas d'affaires qu'elle me tendait dans un large sourire, le prince roulant des yeux à mes côtés.

Quel caractère.

Il ressemblait à un adolescent grognon, bien qu'il parût plus âgé. Si son joli minois d'homme-chat ne me trompait pas, il devait compter une vingtaine d'années, peut-être davantage. En revanche, la voleuse qui faisait mine de ne pas s'offusquer de sa réaction me paraissait plus vieille. Guère beaucoup, mais elle affichait un air plus mature que ce prince gâté qui s'essayait aventurier.

— Je vais me changer, lâchai-je en m'élançant vers l'angle du bâtiment.

— Va le veiller, ordonna la rouquine à Sen tandis que je n'avais pas fait deux pas.

Nous frissonnâmes, tout aussi gênés l'un que l'autre par sa proposition.

— Vous êtes entre mâles ! insista-t-elle. Ne faites pas de manières.

— Je n'ai pas besoin d'un chaperon le temps d'enfiler un pantalon, tranchai-je.

— Tout à fait d'accord, ajouta le prince. Ce n'est pas comme si les vêtements risquaient de l'attaquer.

Dans un soupir, la voleuse coinça ses poings sur ses hanches. Sous sa fine taille, elles s'arrondissaient avec grâce au-dessus de longues jambes musclées.

— Très bien, souffla-t-elle.

Bien que fort agréable à regarder, elle semblait avoir un caractère un brin trop envahissant à mon goût. Je la laissai échanger des regards en coin avec Sen et me dissimulai derrière un angle du bâtiment.

Dans quel monde ai-je atterri pour qu'elle s'inquiète de ma sécurité alors que je disparais quelques instants de son champ de vision?

Plus les heures s'écoulaient et plus je sentais l'angoisse m'envahir. J'eus espéré lors de notre fuite que cette chaîne montagneuse, à la végétation au carmin plus vif que par la saison d'automne, m'envoûterait au point d'en oublier le reste. Malheureusement, les ennuis semblaient se tapir à chaque tournant. Je pensais explorer vaguement ce monde, histoire que cette déesse renarde me croie en quête de ses réponses, et m'installer, une femme au bras, dans une petite bicoque en bordure d'un village paisible. Mais cela restait sans compter ce prince qui fuyait ses privilèges pour l'adrénaline de l'aventure et cette voleuse qui ne semblait pas décidée à nous lâcher. Le premier verrait d'un très mauvais œil de mettre fin à son épopée, d'autant plus si la deuxième, son ennemie jurée, campait à nos côtés.

Ténèbres d'ImsheWhere stories live. Discover now