Ténèbres d'Imshe

26 - « Papillon et sang »

CW pour ce chapitre

OWEN

— Tu comptes rester assis là sans rien faire ? grogna Isela pour la énième fois.

Avachi contre les pierres au fond de notre cellule, je relevai sur son joli minois un regard sombre.

— Ils ont embarqué Suren ! insista-t-elle, trop affolée pour s'inquiéter de jeter le nom du prince au beau milieu de ce nid de vipères.

— J'avais remarqué. Merci, tranchai-je dans une grimace. Mais que veux-tu que j'y fasse ?

— Ce que tout magicien ferait : de la magie pour nous sortir de là !

Las de l'entendre se borner à cette idée infondée et complètement erronée, je passais une main dans mes cheveux et grommelai.

La femelle a plus de tripes que toi, siffla Nyx au creux de ma tête.

Comme s'il était nécessaire qu'il ajoutât son grain de sel. Je trouvais d'ailleurs Isela plus agressive que courageuse, tandis qu'elle m'agrippa par le col.

— Vous étiez sur le point d'user de votre magie avant que la prêtresse vous assomme avec sa lumière, continua-t-elle. Pourquoi ne l'invoquez-vous pas à nouveau ?

— Combien de fois vais-je devoir répéter que je ne suis PAS un magicien ? grognai-je en me dégageant de sa poigne.

— Alors qu'était cet amas de nuit ?

Son expression me fit sourciller, mais je ne devais pas m'étonner de la maladresse d'une personne qui ne connaissait pas les ténèbres. Elle ignorait probablement les utilisations exactes du mot nuit.

— C'était la chose qui me... qui me possède depuis que le caillou noir que trimballait Suren s'est trouvé être un monstre.

En d'autres circonstances, la lippe qu'afficha Isela m'aurait tiré un sourire, mais je m'inquiétais davantage de la passivité de Nyx à nous laisser enfermés. Si j'ignorais ses remarques incessantes...

Si tu n'avais pas tant hésité tout à l'heure, j'aurais pu sortir à temps ! grogna-t-il en écho de mes pensées. Mais maintenant, ces amoureux de cette sale renarde lumineuse nous ont enfermés derrière leur magie puante. Ronge les barreaux avec tes dents d'herbivore. Nous serons peut-être libres avant la fin de ton existence ?

Un sarcasme pour masquer son impuissance.

Je me massai les paupières, éreinté, floué par ce monde qui n'avait rien de l'idylle espérée... quand le ton cinglant d'Isela me fit relever le nez.

— Toi ? grogna-t-elle, ses prunelles claires brillant d'un feu ardent.

— Toujours un plaisir de te voir, ma belle, la nargua la belle l'inconnue, libre comme l'air derrière les barreaux qui nous retenaient prisonnier.

Le sourire narquois qui se peignait sur son visage effleura avec peine la surface de mon esprit, plus concerné par la paire d'ailes de papillon qui ornait son dos. De complexes dessins aux tons d'un océan les saupoudraient à l'image des motifs des célèbres craqueurs turquoise de la Terre. Au détour de la conversation glaciale des deux demoiselles, je découvris par ailleurs qu'elle en portait ce même nom.

— Que fais-tu là Turquoise ? s'enquit Isela avec méfiance.

— Mission de reconnaissance, espionnage, renseignement, appellen ça comme bon te semble.

— Donc Indu t'envoie ici, conclut la demoiselle qui faisait référence au régent de Waba. Sinon que ferait son renifleur préféré ici ?

— Tu t'étonnes de me voir fouiner alors que tu as utilisé son nom auprès d'esclavagistes de Lashinn ?