16 - « Maladie de bien et de mal »

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OWEN

— La grande mort rouge ? répétai-je, coupant maladroitement le monologue de Nolie avant qu'elle me noyât derrière des éléments inconnus.

— Une épidémie extrêmement contagieuse qui a fait de nombreux morts, m'éclaira le prince sans détourner les yeux de sa gouvernante. Les gens crachaient du sang par tous leurs orifices, d'où le nom de mort rouge. En quoi ce désastre a-t-il changé tes plans ?

— L'enfant que vous étiez, terriblement malade au point que votre mère pleurait que la mort vous emporte, m'a dit une chose qui a brisé l'enveloppe de glace qui compartimentait mes préjugés.

Sen plissa les yeux, probablement incapable de se souvenir d'un tel évènement.

Trop jeune.

Trop mal en point.

Nolie n'en prit pas grief et énonça ses souvenirs, la voix chargée d'émotions.

— Pranelle, sais-tu si les autres enfants ont aussi reçu leurs médicaments ? Voilà les mots que vous aviez prononcés. À cet instant, j'ai compris notre erreur. Vous n'étiez pas un simple otage, ou l'ombre qui menaçait de monter sur le trône, mais au contraire, vous étiez et êtes encore l'espoir que ce siège suprême voit une bonne âme s'asseoir dessus. Et vous avez conforté cette espérance inattendue en obligeant votre mère de vous promettre d'envoyer le plus de médicaments possible aux malades, pauvres comme riches. Elle ne vous refusait rien et vous avez sauvé de nombreuses vies... alors que vous n'étiez encore qu'un enfant. Après cela, j'ai demandé au père d'Isela de revoir sa position. De me laisser la possibilité de vous éduquer correctement pour que vous gouverniez équitablement populace comme riches. Malgré cette idée que n'importe quel Waban aurait jugée folle, il a accepté d'y croire. Je lui faisais mes rapports, toujours plus convaincue de mes espoirs au fils des années.

Un sourire léger illumina son visage, tandis qu'elle semblait se remémorer un doux instant.

— Vous me donniez du pain sur la planche à veiller que vous ne vous brisiez pas le cou en sautant par-dessus l'enceinte du palais, mais vous méritiez votre surnom de « prince parfait ». Malheureusement, un traître a fait tomber le père d'Isela... et son remplaçant a une vision plus bornée et sombre.

— Isela nous a dit que son père avait été exécuté, trahi par son frère qui s'était acheté un titre de noblesse en échange, intervins-je, profitant d'un court silence.

Nolie opina, la mine soucieuse.

— Sans ce drame, elle embrasserait bien moins la cause des insurgés, soupira-t-elle. Avant, elle n'était pas si... bornée. Heureusement, elle se méfie aussi de tout le monde, notamment d'Indu, le gérant actuel de Waba. En tant qu'insurgée qui marche dans les traces de son père, martyr waban, elle est très appréciée par les habitants et Indu cherche à la mettre à sa botte. Il prône les assassinats et les attentats qui nous apportent plus de haines et d'ennemis qu'une réelle amélioration de notre condition. Les Wabans n'en sont pas dupes, mais si Indu rallie Isela à ses idéaux, beaucoup suivront.

— Chacun ses cauchemars, trancha le prince d'un air noir. Elle pleure son père, tandis que je vis avec une mère paranoïaque sur le dos qui m'enferme à double tour dans une cage dorée. Et que celle en qui j'avais une confiance aveugle s'avère être une menteuse !

— Je suis terriblement désolée.

— Je l'entends, la coupa-t-il. Mais ne t'attends pas à recevoir mon pardon si aisément.

Un rictus étira les lèvres de Nolie.

— Vous devriez apprendre à courber un peu le dos si vous souhaitez réellement cacher votre sang royal. D'autant plus en étant coincé à Waba.

Ténèbres d'ImsheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant