22 - « Flamme et jalousie »

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OWEN

Au fil de notre montée vers le temple de la ville, Suren se fit peu à peu plus bavard, ses mauvais souvenirs de la vieille semblant se tasser derrière un avis bien borné.

— Si les archives permettaient de savoir ce qu'il est arrivé aux humains, les prêtresses des soleils l'auraient découvert depuis longtemps, clamait-il.

J'admirai sa ténacité, son souffle se faisant léger malgré le sentier abrupt que nous grimpions depuis une bonne heure. En revanche, Isela commençait à se lasser de son obstination à contester chacune de ses idées. Je préférai les laisser à leur dispute courtoise, espérant qu'elle le resterait, et admirai la vue.

Le prince prétendait que Lashinn se trouvait loin des hauteurs vertigineuses qui me causèrent bien du mal à Quavent, mais il n'en était rien. Le temple d'Imshe se dressait fièrement au sommet de deux pics rocheux qui dominaient la cataracte alimentant la ville. Elle chutait sur un plateau inférieur dans des grondements oppressants, avant de s'enfoncer dans le large fleuve qui sinuait de quai en quai. Je préférais me concentrer sur le temple, plutôt que d'éveiller ma peur du vide à trop lorgner les coraux en contrebas.

L'obscurité et les vertiges étaient bien les deux choses que je détestai le plus.

— Enfin arrivée ! clama Isela dans un souffle.

Elle me semblait plus ravie de fouler le parvis du bâtiment pour couper court à sa querelle avec Suren, que fatiguée par notre ascension. Heureusement que j'étais un coureur expérimenté ou cette nouvelle vie aurait eu raison de mon cœur dès son commencement.

J'inspirai profondément, profitant d'une brise humide, tandis qu'Isela s'élançait vers le temple. Les dalles claires laissaient place à un escalier de bois qui grimpait de quatre marches acajou vers une arche. J'admirai ses décorations, gravées avec une main de maître au fil des rainures colorées, mais qui n'égalaient en rien la richesse des sculptures qui ornaient les battants de l'entrée. Une renarde et un loup se poursuivaient sans fin, traçant de leur forme un cercle parfait. Ils me rappelaient le yin et le yang chinois avec leurs tons tantôt lumineux, tantôt obscurs, qui représentaient le jour et la nuit.

— Je croyais qu'il s'agissait d'un temple d'Imshe, hasardai-je, tandis qu'Isela toqua le heurtoir de métal cuivré sur le bois.

— Limpis et sa sœur sont indissociables, déclara Suren. La faucheuse d'âme en est la preuve. Si le loup de la nuit se réveillait avec ses humains, la lumière d'Imshe ne saturerait pas d'énergie au point d'en devenir mortelle.

— Ce ne sont que des théories, grommela Isela. Rien ne prouve que le retour des prétendus humains des mythes ramènerait les ténèbres.

— La déesse n'enverrait pas un élu pour retrouver les siens si cela ne servait à rien.

Je me passai d'intervenir, bien que le prince s'égarât. Imshe souhaitait découvrir le secret qui enveloppait la disparition des humains, et non rétablir la puissance de son frère en les ramenant. Par ailleurs, me retrouver assimilé à une race dite de la nuit me hérissait les poils.

Pourquoi fallait-il que l'élément majeur des miens soit une des choses que je détestais le plus ? Les humains ne pouvaient-ils pas être associés à la lumière, comme les autres ?

Je soupirai bruyamment, pinçant les lèvres pour chasser une grimace mécontente, quand une itakie entrouvrit un battant.

— Les astres d'Imshe et Limpis vous saluet, clama-t-elle d'un ton sans âme, ses mains formant un cercle devant sa poitrine.

Un masque de renard digne du folklore asiatique dissimulait son visage, tandis que ses épaules se trouvaient nues, un simple collier d'argent retenant la pointe de tissu qui dévalait sur sa poitrine. D'un blanc immaculé, elle se resserrait au-dessus de sa taille, regagnant les coutures de sa jumelle qui couvrait le dos de la prêtresse. Le bas de sa robe tombait jusqu'au sol en des plis légers, une frise dorée marquant son fond. La chevelure de feu et les oreilles velues de l'itakie, qui perçaient derrière son masque clair, contrastaient avec cet ensemble digne d'un ange.

Ténèbres d'ImsheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant