21 - « Cartes sur table »

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SUREN

Owen se portait comme un charme. Après tout, il avait été assommé par les drogues lors de leur agression. Suren regrettait presque d'avoir résisté. S'il avait été lui aussi évanoui, il n'aurait pas cet atroce souvenir qui tourbillonnait dans sa tête, le trompant sans cesse de cette sensation de mains rugueuses glissant sur sa peau. Il frissonnait, comme caressé par une brise glaciale malgré les températures étouffantes. Il dégoulinait, de sueur froide ou de chaleur, il ne savait plus.

— Tu veux parler ? s'enquit Owen, le regard inquiet.

Cela faisait un moment qu'il hésitait à lui poser cette question, Suren n'était pas dupe. Mais à nouveau, il ne dit mot et détourna les yeux.

Comment pouvait-il lui avouer pareille honte ?

— Et si vous m'expliquiez ce qu'il vous a pris de fuir, lâcha Isela.

Contrairement au magicien, elle ne semblait pas se préoccuper de l'état du prince. Suren ne s'en étonnait guère. Malgré son aide, elle restait une insurgée qui ne devait pas le porter dans son cœur. Mais pourquoi leur était-elle venue en aide ? Il ne comprenait plus rien.

— Nous craignions que Nolie et toi reveniez avec des renforts pour nous maîtriser, lâcha l'humain. Enfin, Suren le craignait.

À ses mots, Isela roula des yeux.

— Nolie se fait du mouron pour un idiot qui la confond avec une traîtresse.

Bien qu'en proie à ses tourments, Suren lui décochât un regard sombre, transpirant de colère.

— Pas la peine de me faire tes beaux yeux, siffla la rouquine. Nolie n'a pas cessé de me travailler au corps pour que je veille sur toi et quand j'ai enfin accepté, elle a manqué la crise cardiaque en découvrant que tu avais sauté par la fenêtre. Si elle savait que des contrebandiers t'avaient brutalisé pour te vendre comme esclave sexuel, elle...

— Ferme-la ! la coupa Suren d'un souffle féroce.

— Te murer derrière ta honte ne te mènera à rien, se défendit-elle sans sourciller. Surtout que tu ne devrais pas être honteux. Ce sont ces salauds d'esclavagistes qui devraient brûler pour leur indignité. Mais n'en parlons plus, puisque c'est ce que tu veux.

Elle détourna le regard vers Owen et croisa les bras sous sa poitrine à peine couverte d'une brassière claire.

— Qu'allez-vous faire maintenant ? continua-t-elle.

— Et bien, marmonna l'humain. J'avoue que je n'en ai pas la moindre idée. Imshe me demande de retrouver un peuple dont elle n'a pas été capable de dénicher la moindre trace durant des siècles. Elle prétend que j'aurai un œil plus terre à terre, ou une ineptie du genre.

— Et tu n'as pas d'autres indices ?

Owen grimaça, incapable d'avouer que non. Suren le comprenait. La quête d'Imshe était fort évasive... et bien plus dangereuse qu'il ne l'avait imaginé. Jamais il n'aurait cru qu'il se trouvait si aisé de tomber entre les mains d'esclavagiste. La loi interdisait cette odieuse pratique, bien qu'il sût pertinemment que ses parents n'en menaient guère la chasse. Mais il croyait qu'elle restait minime au vu de leur désintérêt.

Il avait été bien naïf.

Quelles autres plaies laissent-ils donc sévir sans s'en soucier dans leur palais de marbre? se demanda-t-il, un goût amer au fond de la bouche.

— Nous devrions commencer par le commencement, puisque vous n'avez rien, proposa Isela. Allons consulter les archives d'un temple. Vous saurez lire ce qu'elles savent de la disparition des humains.

Ténèbres d'ImsheWhere stories live. Discover now