40 - « Nésifie »

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SUREN


Ils approchaient du parvis du palais.

Comment Nolie pouvait-elle rester si sereine ? Suren ne le comprenait pas.

Ou bien le paraissait-elle seulement ? Il lui semblait impossible qu'elle conservât son calme alors que son cœur surexcité menaçait de bondir hors de sa poitrine.

— Pranelle, soupira un garde qui veillait le portail d'entrée du bâtiment. Vous savez que nous avons l'ordre de vous tenir à l'écart du palais.

Son ancienne gouvernante était connue du corps armée, bien que cette sentinelle ignorât son réel prénom. Celui qu'elle réservait aux Wabans... mais s'ils le connaissaient, la reine l'aurait déjà fait exécuter.

— Elle est avec moi, soufflai-je.

Le garde lorgna le jeune itaki d'un regard usé, probablement las de repousser les badauds et curieux qui espéraient pénétrer dans le palais pour des raisons aussi abracadabrantes que stupides. Sen n'attendit pas qu'il le repoussât sans manière et fit tinter le saxum qui ornait son tour de cou. En un simple claquement d'ongle sur le cristal, sa chevelure reprit sa couleur royale à l'argent vénéré.

Les gardes frissonnèrent. Leurs regards s'exorbitèrent, tandis que leur mâchoire semblaient incapables d'articuler des paroles compréhensibles.

— Prince Suren ! clama l'un d'eux après des secondes d'effort.

D'un bond, il pivota vers son collègue :

— Cours prévenir le général et Sa Majesté ! Mon prince. Permettez-moi de vous escorter jusqu'à la salle du trône !

Dans un soupir, Suren s'élança, sa main invitant Nolie et le garde à le suivre. Quoi qu'il en pensât ou désirât, ce soldat ne resterait pas tranquillement à son poste même si son prince refusait son escorte. Obéir à la famille royale était son devoir, mais protéger le prince prévalait sur leurs ordres.

Au fil des corridors d'albâtres et d'ors, son collègue semblait crier le retour du prince chéri à chaque servante ou noble qu'il croisait durant sa course. L'espoir de saluer ses parents d'un coup de vent et de retrouver son oreille attentive au palais se tarissait.

Suren n'en fut que plus convaincu alors qu'à peine son pied effleura le carrelage marbré de ses appartements, sa mère déboula. Dans un cri empli de soulagement, relevé de reniflements pour chasser ses larmes, elle l'étreignit avec force.

— Bonjour, mère, lâcha-t-il dans un sourire de façade.

Il l'aimait. La revoir le comblait, mais son cœur gardait une touche glaciale au souvenir de ses dernières découvertes. L'état lamentable du royaume, sa possible affiliation avec une secte morbide...

Il hésitait à lui en toucher un mot.

Mais comment ?

Si le pire se trouvait vrai, quel sort lui réserverait-elle ?

Elle ne me fera jamais de mal...

Mais si cette éventualité devenait vraie, elle risquerait de l'embarquer dans la folie meurtrière de cette secte de fous.

Je dois m'en tenir au plan et consulter la conseillère. Elle saura démêler le vrai du faux et rester discrète.

— Mon fils ! clama la reine qui coinça le visage du prince entre ses mains.

Elle ne laissa pas le temps à Suren de lui glisser un sourire, ses doigts aux ongles peints et son regard détaillant le corps de son adorable enfant.

— Qu'Imshe soit louée ! ajouta-t-elle. Tu n'as rien ! Mais où étais-tu par la déesse de lumière ?

Ténèbres d'ImsheWhere stories live. Discover now