Ténèbres d'Imshe

43 "?"

OWEN

— Nous avons un problème.

Tels furent les premiers mots qui traversèrent les lèvres de Nolie, l'infiltrée wabanne qui chapeautait les domestiques du prince, dès qu'elle déboula à l'orphelinat.

Isela lui coula un regard empli de questions, tandis que je me retins de soupirer. J'avais eu l'espoir d'un quotidien plus paisible, mais avec Suren qui jouait les princes de retour après un enlèvement factice, je n'y croyais guère.

— Tu nous expliques ? s'enquit Isela comme Nolie zyeutait les pièces sans se décider à parler. Même s'il y avait des oreilles curieuses, tu en as déjà trop dit pour t'arrêter là.

La vieille itakie roula des yeux.

— Certes, grommela-t-elle en s'asseyant au côté de la rouquine. J'ai aperçu un renifleur d'Indu au banquet royal.

— Jusque-là, rien qui ne m'étonne, soupira Isela. Même si la réapparition du prince s'est faite sur le pousse, le gérant de Waba a de la ressource.

— C'est vrai, mais ce renifleur était le meilleur avant de disparaître. Il va certainement creuser très profond pour apporter assez d'informations à Indu pour pardonner ses années d'inactivités. Il risque de découvrir ce que Suren cache ! Je l'ai surpris à filer le prince et la conseillère Nésifie.

— Et tu n'as pas jugé bon de l'arrêter ? s'outra Isela.

— Je ne pouvais pas sans révéler ma propre présence. À leur tête, la conseillère et le prince n'auraient pas apprécié de me voir là...

— Que s'est-il passé ?

— Je l'ignore, avoua Nolie, une pointe d'agacement dans sa voix. Contrairement à Cliste, le renifleur d'Indu.

Cliste ?

Je frissonnai, ce nom loin de m'être inconnu... et en face de moi, Isela ne l'avait pas oublié non plus. Je ne savais si son regard s'envenimait à mon encontre, pour avoir aider à libérer le faune qui nous posait à présent problème, ou bien simplement contre cet individu dont elle détestait tant la race.

— Tu me disais quoi concernant mes a priori déplacé déjà ? grogna la demoiselle, ses iris d'eau claire me sanctifiant en silence.

Je me passai de répondre et affichai un sourire diplomatique. Il était impossible que Cliste eût prévu de nous entourlouper dès notre rencontre à Champri. Sûrement avait-il découvert trop tardivement l'identité de Suren. Peut-être même l'avait-il comprise qu'une fois au banquet royal.

— On doit aller voir ce qu'il se passe, trancha soudain la demoiselle.

— Tu comptes t'infiltrer dans le palais un jour de banquet royal ? soufflai-je horrifié. Il y aura des gardes partout !

Je n'avais pas fui les cellules, affublé de l'identité d'un kidnappeur, pour m'y jeter dedans.

— La sécurité ne sera pas plus grande qu'après l'arrivée explosive d'un faux magicien dans les jardins royaux, me taquina Isela.

— Et que comptes-tu faire une fois que tu auras retrouvé Suren ? L'avertir que notre bon vieil ami barde le piste ?

— J'espérais chasser le faune et non le prince. Si Indu apprend que j'ai amené le prince ici sans le lui dire ni même le lui livrer...

— Tu ne savais pas !

— Certes, vous aviez fui de Waba avant que je l'apprenne, siffla Isela en glissant un regard sombre à la gouvernante. Mais utiliser cette excuse reviendrait à dénoncer Nolie.