Article 2

2.3K 176 120
                                    




Tout individu né de sexe féminin sera privé des bras de sa génitrice à la naissance et remis à l'institut du Royaume afin d'y grandir en intégrant les règles de l'Ordre et le savoir-vivre inhérent au statut des Dépendantes.





Les officiers m'accueillent en baissant la tête, faisant une timide révérence devant l'homme qui deviendra bientôt leur souverain. Je ne leur rends pas leur salut, ni par un sourire, ni même par un regard. Je fends le comité d'accueil d'une démarche rapide, passant à travers les hommes et les piliers en pierre qui ornent l'Institut.

Les grandes portes en marbre s'ouvrent devant moi, un homme plus âgé s'avance et s'incline, le regard fermé.

Monseigneur, soyez le bienvenu.

Les pieds joints et bien ancrés dans le sol, je ne réponds pas. Nicolas le fait. Peu de citoyens d'Avia peuvent se vanter d'avoir entendu le son de ma voix, certains idiots aiment faire courir le bruit que je suis muet —les plus sots d'entre eux le croient vraiment.

— Valéryan Foxward, septième de la dynastie des Foxward, héritier légitime d'Emilien Foxward, roi des Sept Royaumes, me présente mon ami d'une voix lisse. Nous venons pour la Sélection.

— Que votre choix soit fertile.

Le vieillard abaisse une nouvelle fois la tête, m'offrant sa calvitie en visuel. Puis il s'engouffre dans le bâtiment, m'invitant à le suivre sans un mot. Derrière nous, des chuchotements se font déjà entendre. Quand je sortirai d'ici, je serai un protecteur et les rumeurs iront bon train.

Les couloirs se suivent et se ressemblent, je ne compte plus mes pas tant ils sont nombreux. L'Institut est un véritable labyrinthe où un aveugle trouverait mieux son chemin que nous. Il faut dire que le blanc omniprésent a tendance à me rendre fou et les toiles colorées monochromes sur les murs n'aident en rien. Il n'y a rien ici qui respire la vie, juste une monotonie barbante et une habitude à la routine à la limite du risible.

Après deux toiles bleues, une verte et une d'un jaune poussin absolument affreux, nous arrivons devant une porte blanche capitonnée. Notre guide s'arrête, reluque Nicolas en hochant la tête, puis s'incline encore une fois devant moi en marmonnant une série de félicitations qui ne me font strictement aucun effet.

Il énumère les lois de l'Ordre, les unes après les autres, se sentant bien con de devoir le faire devant un homme qui les connaît sur le bout des doigts. Mais il s'agit de la procédure et il ne peut en déroger, quel que soit la personne qui lui fait face. Alors, comme s'il faisait un plaidoyer devant le tout puissant, le vieillard continue ses marmonnements tout juste audibles, les mains croisées sur son torse.

— Que les Sept Royaumes vous offrent la fertilité du garçon qui grandira sur le sein du péché, clame l'homme, un peu plus fort que le reste. Que ce sein vous soit obéissant, qu'il ne nourrisse que l'homme et non l'orgueil, Monseigneur.

Dans ce tableau presque dramatique, il est assez ironique d'entendre un vieillard utiliser le mot sein deux fois dans la même phrase alors que de toute évidence, il n'en a jamais vu de sa vie —si ce n'est ceux des femmes qui attendent sagement d'être choisies par leur protecteur. A-t-il tété d'autres seins que celui de sa mère ? J'en doute. Il ne considérerait pas cela comme un péché s'il y avait goûté. Ève avait la pomme, Adam avait Ève, nous avons le sein de leur descendance.

La porte capitonnée s'ouvre finalement sur une pièce sombre et bien plus petite que ce que j'imaginais. Les murs blancs semblent gris tant il manque de luminosité. La seule source de lumière provient d'une autre salle séparée de celle dans laquelle nous nous trouvons par une vitre qui couvre l'intégralité du mur. Deux fauteuils sont installés au centre de l'espace, une petite table basse où trônent quelques boissons et fruits en tout genre finit de décorer l'endroit pour le moins austère.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now