Article 33

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Tout individu de sexe féminin non référencé à la naissance sera traqué par les communicants au service des Royaumes. Ces cas isolés seront envoyés au Réseau ou en Exil, à Pariendi selon leur potentiel.


J'ai toujours trouvé que le lit qui m'a été mis à disposition à la Braise était particulièrement grand. Quentin s'amusait à me dire qu'on y tiendrait facilement à quatre et que les orgies y seraient délicieuses si je souhaitais un jour m'y mettre. Je ne l'ai jamais fait, non pas que je n'y ai pas pensé, mais l'idée de me perdre dans une masse de corps nus sans prendre le temps d'en apprendre les contours me rebute. Chaque corps mérite qu'on s'y attarde, que l'on découvre le visage et l'âme qui s'y cache. N'est-ce pas un manque de respect criant que de se servir de cette chair offerte sans en apprécier l'essence ?

Je n'ai rien contre ceux qui pratiquent les orgies, pas plus contre ceux qui assument pleinement leur sexualité débridée. Pour autant, je n'ai jamais pris au sérieux le fait de pouvoir faire entrer plusieurs personnes dans mon lit.

Jusqu'à hier soir.

Cette lune vermeille était vraiment spéciale et je souris comme une idiot, là, allongé à un bout du matelas en regardant mes amis dormir en me séparant volontairement de Camille. Elle me fixe avec ses grands yeux verts de l'autre côté du matelas.

Elle s'étire comme un chat, faisant tomber la couette et dévoilant ses seins mous et tentateurs qui sont heureux d'être libérés de cet affreux corset. Je ne suis pas celui qui est responsable de sa quasi-nudité. Devrais-je m'en inquiéter ?

— Vous avez bien dormi ?

J'hoche la tête sans lui répondre à voix haute, évitant de réveiller Quentin et Nicolas qui sont plongés dans un sommeil si profond qu'ils ne ressentent aucune pudeur à être dans les bras l'un de l'autre. Nicolas a la tête posée sur le torse de mon ami, ses traits sont détendus et j'aperçois presque le début d'un sourire là où il n'y a d'habitude que de la tristesse et du désarroi.

Les souvenirs de la veille sont intacts, la drogue n'a pas impacté ma mémoire et c'est tant mieux. Je veux me passer en boucle tous ces moments avec Camille, son lâcher prise et l'acceptation de mon contact qui ne lui provoque aucun mal.

Je veux me souvenir de mes deux amis qui s'aiment maladroitement et se découvrent, bravant tous les interdits d'un monde qui en a bien trop. Je veux me souvenir, tout simplement pour ne pas oublier.

Quentin finit par ouvrir un œil. Il baisse la tête, contemple Nicolas et se retrouve fasciné par la vision qui s'offre à lui. Alors il lève la main et lui caresse les cheveux. Il sait qu'à son réveil, tout cela ne sera qu'un souvenir —un bon pour l'un, un mauvais pour l'autre.

— Quelle soirée, je murmure.

— A qui le dis-tu.

— Je n'aurais pu le deviner.

— J'en ai tant rêvé.

Ses yeux parlent pour lui. Sa douceur ponctue ses aveux silencieux.

Quentin est amoureux.

Vous pourriez me dire qu'il est un peu particulier de s'émouvoir du spectacle de deux hommes qui s'aiment à moitié nus au milieu de votre propre lit, vous séparant de celle qui fait battre votre cœur. Vous pourriez et vous aurez sans doute raison.

Cela m'est bien égal.

— Que comptes-tu faire ? je demande, sans oser prononcer les mots qui seront inévitablement douloureux.

— Rien.

— Le laisser ?

— Il y a de ces âmes que l'on ne peut contraindre, leur beauté réside dans leur liberté.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now