Article 10

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Une fois que l'approbation du Roi sera donnée à son héritier quant à sa Dépendante, un contrat les lira pour cette vie et les autres, devant les Dieux. 


— Valéryan.

Mon père me toise sévèrement, puis reporte son attention sur la femme qui m'accompagne, projetant sur elle une ombre menaçante. Il l'analyse de la tête aux pieds, posant ses yeux sur chaque parcelle de corps, souriant devant ses mollets dénudés.

Je déglutis.

— Père.

— Tu en as mis du temps.

— J'avais mieux à faire.

— Je vois ça, s'amuse-t-il en regardant à nouveau les mollets nus de ma dépendante.

Je lâche la main de Camille et m'empare de sa taille, la pressant contre moi autant que possible. Je sens son souffle se couper, sans doute gênée d'une proximité qui est nouvelle pour elle comme pour moi.

L'aura dangereuse du Roi a dicté mes gestes, rendant notre union plus forte, plus intime. Je pourrais dire que cela apporte de la légitimité à mon mensonge éhonté, mais il n'en est rien. J'avais besoin de la rapprocher de moi. De la protéger.

N'est-ce pas mon rôle ?

A la minute où je l'ai choisie, elle et pas une autre, je suis devenu son protecteur. Ce rôle me colle plus à la peau que je ne l'aurai cru.

— Elisabeth, dis-je afin de changer de sujet en saluant ma mère, tentant tant bien que mal de me concentrer sur autre chose que mon pouce qui caresse la hanche de ma dépendante.

Monseigneur.

Je serre la taille de Camille. Elle se crispe et je me détends immédiatement. L'effet qu'elle me fait est fou.

J'en oublie le ton formel de ma mère, sa courbette ridicule et la marque de respect qu'elle vient d'employer à laquelle je ne m'habituerai jamais. Il y avait une époque où les fils appelaient la femme qui leur a donné la vie maman, j'ai perdu le compte du nombre de fois où ce mot m'a brûlé les lèvres. Aurait-elle aimé ? M'aurait-elle regardé différemment ?

J'ai tant rêvé de ses bras qui me bercent dans le noir, quand la nuit était faite de cauchemars.

— Vous êtes rayonnante.

Elle me sourit, toujours en retrait derrière le Roi.

— Visiblement pas assez pour éclipser les nuages qui menacent les Sept Royaumes, tranche-t-il en reculant, avant d'ouvrir la grande porte qui donne accès au château. Entrez, il fait froid.

Le Roi nous emboite le pas en détournant le corps immobile de ma mère, qui continue de me sourire timidement. Elle nous fait signe de la devancer et je refuse d'être à l'image de mon père. Alors j'amène Camille avec moi en l'accompagnant de ma main qui rejoint le bas de ses reins et elle franchit la porte la première, presque à reculons.

Personne ne parle, pourtant mon geste n'échappe à personne.

Ils se taisent.

Suis-je allé trop loin ?

Je ne pensais pas être capable de tenir tête au Roi avec tant d'aplomb. Je ne l'ai jamais fait. Son pouvoir sur le monde est si puissant que j'ai toujours eu l'intelligence raisonnée de courber l'échine en attendant de pouvoir m'échapper de sa présence écrasante. Cette fois, les choses sont différentes. Quelque chose dans mes entrailles me crie de lui faire face, de le déstabiliser d'une façon ou d'une autre.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant