Article 9

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Au dernier jour de sa cinquante neuvième année, sa majesté le Roi devra céder les Sept Royaumes à son héritier légitime ou, à défaut d'héritier, à un être légitime de sang et d'esprit.


    Nous galopons en direction du château depuis bientôt deux heures, le froid fouette mon visage comme mon père le ferait avec les milliers d'esclaves de Pariendi.

    Le château du roi a la particularité de ne pas se situer au centre de Prima, la capitale d'Avia. Il est plus au Nord. Comme si, quelque part, sa majesté ne voulait pas se mêler à ses sujets. Ce n'est pas qu'une impression, mais une réalité. Mon père, Emilien Foxward, est un de ces hommes hautains et fier de l'être qui est plus connu grâce à son sang plutôt qu'à sa sympathie légendaire.

    Je n'entretiens pas de relation amicale avec mon père, ni même familiale. Il a contribué à me donner la vie en martyrisant la femme qui est ma mère et, en échange de son immense bonté, je m'évertue à faire de sa vie formidable un véritable enfer. Je suis le fils qu'il aurait rêvé ne jamais avoir et je repousse les responsabilités tout autant que les femmes esseulées qui me courent après plus vite que le soleil se lève sur les sept Royaumes.

    Le roi atteindra sa soixantième année à la première lune de la nouvelle année, cet anniversaire ne sera pas comme les autres. Aucun souverain ne peut garder la couronne passée cette année fatidique et, sans aucun recours possible, il se doit de transmettre le flambeau de son règne à son héritier légitime —ou, à défaut, à celui qui pourrait se montrer digne par le sang et les actes de cette responsabilité ô combien jalousée.

    Je suis un héritier légitime, la question ne se pose pas. Cet hiver, mes fesses seront sur le trône, la couronne sur ma tête. Je serai le nouveau roi des Sept Royaumes et je ferai de ces terres exactement ce que j'ai envie d'en faire. La loi de l'Ordre sera soumise à mes modifications, le peuple se soulèvera avant de ployer le genou devant le tout puissant Valéryan Foxward. A ce moment-là, ce ne sera pas une mauvaise chose que d'habiter dans un château aussi éloigné de la capitale — Camille sera en sécurité, Nicolas lira les pensées de mes détracteurs, et Lisa jouera avec Quentin à un jeu stupide et ridicule en vidant la cave du domaine.

Monseigneur ?

    Camille me sort de mes pensées quelques minutes avant que nous n'arrivions. J'ordonne à mon cheval de repasser au trot et j'hoche la tête avant de me rappeler qu'elle a besoin de mon autorisation pour parler davantage. C'est une chose qu'il faudra rapidement changer, je ne supporterai pas bien longtemps cette soumission qui m'agace plus qu'elle me conforte dans ma toute puissante virilité.

    Je prends soin de parler fort, conscient que je tourne le dos à Camille et que je ne peux faire autrement tant que nous sommes à cheval.

— Dites-moi ?

— Pourquoi ai-je dû me changer ?

    Loin de moi l'idée d'imposer à ma dépendante une façon de s'habiller en particulier, mais les règles des Royaumes sont strictes et père ne tolère qu'on y déroge. Il était un peu présomptueux de vouloir provoquer le Roi dès sa première rencontre avec ma dépendante.

    Impossible de la montrer comme elle était vêtue ce matin, avec une robe longue qui cachait sa peau plus que l'obscurité de la nuit. Pour autant, sa nouvelle tenue reste relativement chaste. Une robe en a remplacé une autre, mais elle a la particularité de s'arrêter au niveau de ses genoux et de dévoiler une partie de la naissance de son décolleté que je n'ai pas eu le plaisir de revoir depuis la Sélection.

    A quoi bon nous en montrer autant si c'est pour s'en priver par la suite ?

    Peut-être parce que je l'ai traumatisée avant même d'avoir eu le loisir de la toucher. Si Nicolas avait été présent, ce serait certainement cette possibilité qu'il aurait validée.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora