Article 3

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Toute prétendante pourra être choisie comme Dépendante dès lors qu'elle aura saigné et ce jusqu'au dernier jour de sa vingt-cinquième année.





— Par tous les Sept Royaumes, elles sont nues !

Le défilé de chair, de seins et de fesses ne s'arrête pas, dévoilant à chaque divine apparition un corps dénué de tout artifice et je ne peux quitter des yeux le spectacle agréable et dérangeant qui s'offre à moi. Loin de m'émouvoir devant une silhouette dans son habit d'Ève, je ne peux toutefois ignorer les conditions dans lesquelles toutes ces femmes sont élevées depuis leur enfance. Elles ne sont rien, sinon des objets créés de toutes pièces pour satisfaire celui qui leur fera l'honneur de les choisir. Mais de quel honneur parle-t-on ? Comment rester un honnête homme alors que l'appel de la chair se fait bien plus intense que le respect jamais inculqué par nos pères ?

Je n'ai pas l'impression d'avoir des femmes en face de moi, tout au plus des prostituées qui ne font pas leur travail par passion. Leurs silhouettes se mouvent dans la lumière, leur chignon haut dégageant le tatouage dégradant qui leur a été apposé à la naissance. Cette chorégraphie est savamment orchestrée, aucun faux pas n'est à déplorer. Il n'y a ni sourire, ni contact visuel.

Elles entrent, me font face, se mettent de profil et me tournent le dos. Puis elles repartent en laissant place à la suivante qui reproduit le même ballet sans même me laisser le temps de me souvenir du numéro de la précédente. Elles ne sont que des numéros qui font un numéro, des marionnettes, des coquilles vides. L'homme ne leur rendra pas leur âme, l'odeur de la braise s'est tarie.

— Nicolas, je ne vois rien.

— Alors ne regarde pas.

— Elles sont nues !

— Je le vois tout comme toi.

— Leur sexe n'a pas de poils !

— C'est une caractéristique masculine.

Le ton froid de mon ami m'agace tout autant qu'il ne me surprend pas, pour autant je ne peux admettre sa dernière réponse. Du plus loin que je me souvienne, la pilosité ne concerne pas que les hommes et sans vouloir me targuer d'avoir vu bon nombre de femmes nues, il faut avouer que cela reste vrai. Les poils sont une caractéristique masculine tout autant que les couilles sont symétriques.

Je le foudroie du regard en tapant du pied sur le sol afin de le déconcentrer. Mon stratagème marche si bien qu'il finit par se retourner vers moi en silence.

— Les femmes ont des poils, Nicolas. Il serait temps que t' en vois une nue.

— Je ne dis pas qu'elles n'en ont pas, juste que le Royaume considère que ce n'est pas une caractéristique féminine et que cela ne les rend pas désirables.

— N'en auront-elles jamais ?

— Leur pubis est brûlé à la puberté pour que cela n'arrive pas.

J'avale ma salive en croisant mes jambes, ressentant étrangement une douleur intense à mon entrejambe en imaginant ce qu'elles ont dû subir pour répondre à un critère qui n'en est pas vraiment un. Je ne peux continuer de les regarder sans culpabiliser, sans regretter chaque départ, sans vouloir m'excuser de ne pas les choisir —pour leur propre bien.

— Ma dépendante aura le sexe d'une petite fille ?

— Tu peux faire la demande qu'elle soit modifiée.

A cette simple idée, je regrette d'avoir mangé, même si ce n'était que du raisin. Alors c'est ça le monde d'aujourd'hui ? Tout faire pour correspondre à un modèle universel avant de faire le contraire, juste pour répondre à un caprice qui peut changer du jour au lendemain ?

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now