Article 20

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Les communicants serviront les Royaumes en soumettant leur don aux souhaits de la couronne. Ils seront éduqués par leurs ainés et apprendront à faire taire leurs émotions afin d'avoir une meilleure maîtrise de celles du peuple.


— C'est n'importe quoi.

— On fait comme on a dit, me rabroue Nicolas, l'air sévère.

    Dans la cuisine du manoir, l'ambiance est électrique. Je m'affaire à préparer du café selon les instructions de mon ami et le maudis intérieurement en espérant qu'il m'entende.

    Il a refusé de laisser Camille se reposer, elle n'a eu qu'un jour de répit et ne s'attend certainement pas à se réveiller pour être prise dans une embuscade complètement stupide par deux grands cons.

— Vas-y pense plus fort, histoire qu'elle t'entende, râle Nicolas.

— Elle n'est pas une communicante !

— C'est justement ce qu'on veut essayer de prouver.

    Des bruits de pas font craquer le parquet massif au-dessus de nos têtes et je m'empresse de verser le café dans trois tasses.

— Maintenant tais-toi et pense à quelque chose qui ne pourrait pas fausser le test.

— Je vais penser à ce que je te ferai subir quand je t'aurai prouvé que tu as tort.

    Il pose un doigt sur ses lèvres, me sommant de me taire et s'empare d'une tasse en prenant un air totalement détaché qui me donne envie de partir en fou rire. Il n'y a rien de crédible dans ce que nous sommes en train de faire.

    Je finis par garder mon sérieux en entendant Camille descendre l'escalier.

— On est dans la cuisine ! je crie pour qu'elle nous rejoigne.

    Camille passe sa tête par l'embrasure de la porte et nous adresse un sourire timide. Ses yeux sont cernés, elle manque cruellement de sommeil.

    Elle s'avance et nous rejoint, fermant nerveusement les pans de son gilet sur sa robe qui ne doit pas tenir bien chaud. Je la prendrai bien dans mes bras étant donné que j'ai pour effet de la faire brûler —au moins elle n'aurait pas froid. Mais Nicolas me l'a interdit et je doute que Camille accepte mon contact sans craindre de souffrir le martyre.

— Vous avez bien dormi ? lui demande Nicolas.

    Elle hoche la tête.

— Vous avez le droit de parler. En fait, dans le manoir la règle est la même que celle qui s'applique à la Braise, vous êtes libre de parler quand vous le souhaitez.

    Elle ne m'adresse même pas un regard, c'est tout juste si je ne suis pas invisible.

— Oui, j'ai bien dormi. Et vous ? Vous vous êtes couché tard, j'ai entendu des voix dans la nuit.

— Nicolas est le genre de monstre qui ne dort pas la nuit, comme les vampires mais sans les dents.

— Très drôle, Valéryan.

    Le sourire de Camille suffit à me combler, tant pis si mon ami ne s'amuse pas de ma petite blague.

— Vous voulez un café, Camille ?

   J'ai mis du poison dedans.

— Oui, s'il vous plaît.

    Je m'approche d'elle autant que je le peux et insiste :

— Je vous ai déjà préparé une tasse, il est excellent.

    Elle va le boire et elle va mourir, je veux qu'elle disparaisse.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now