Article 13

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Toute organisation, rébellion ou acte isolé allant à l'encontre de l'Ordre sera sévèrement puni. N'en résultera que l'exil, l'offrande ou la mort.


Camille


    J'ai perdu le compte du nombre de jours qui sont passés depuis la nuit la plus dérangeante de mon existence. Quelques semaines, un mois, peut-être plus. J'ai tenté de me faire toute petite, de fuir la présence de mon protecteur tout autant que celle de son communicant qui lit en moi comme dans un livre ouvert —en vain.

    Ils étaient toujours là, où que je sois, veillant sur moi comme si j'étais une enfant qu'il fallait choyer. L'un me parlait avec douceur, tentant de m'expliquer le fonctionnement des Royaumes, tandis que l'autre rentrait dans mon cerveau en permanence en affichant un sourire que je ne supporte déjà plus.

    Je suis épuisée —littéralement.

    L'histoire aurait pu s'arrêter à ces deux hommes, présents lors de la Sélection de l'héritier, mais non. Mon calvaire est d'autant plus important que je me dois de supporter la présence de cette Lisa et de ce Quentin.

    Je ne suis pas bête, ce sont des marginaux. Ils n'ont rien à faire à Avia, ils devraient être exilés. L'un à Pariendi, l'autre au Réseau, dans le meilleur des cas. Et s'ils ont échappé à un destin tragique, nul doute qu'ils n'ont rien à faire aux côtés de l'homme qui deviendra bientôt roi.

    La vérité c'est que je ne supporte pas leur différence, ni leurs regards insistants et les réflexions piquantes de celle qui se prend pour une héroïne alors qu'elle n'est rien, sinon le déchet des Royaumes qui ne lui ont pas encore mis la main dessus. Elle s'appelle Lisa, elle a choisi son prénom toute seule là où on me l'a imposé et elle ne m'aime pas. Je ne l'aime pas non plus.

    Je suis agacée, à bout, et à deux doigts de devenir désagréable à chaque fois que l'on prend une petite voix douce et mielleuse pour s'adresser à moi.

    D'un naturel pacifique, je ne me reconnais pas. J'en veux à tous les royaumes et certains jours, je serai capable d'y mettre le feu. Alors je reste enfermée dans ma chambre en attendant que quelqu'un me débusque et admette que je suis la plus grande imposture que ce monde n'a jamais connue.

    Personne ne l'a fait.

    Les jours sont passés si lentement que j'ai fini par me demander si ce n'était pas ça, finalement, ma punition.

    J'ai compris que ce n'était pas le cas seulement ce matin, quand mon protecteur est venu me chercher en m'annonçant qu'il avait un endroit à me faire découvrir. C'est la première fois que je suis descendue de ma chambre en plein jour depuis notre dernier échange si particulier.

    Et maintenant que nous sommes à cheval pour une destination qui m'est inconnue, mes angoisses ressurgissent. J'ai au moins la chance, pour la première fois, d'avoir ma propre monture. Toutes les femmes savent monter à cheval, nous apprenons cela dès le plus jeune âge. Nombreuses d'entre nous sont deviennent les dépendantes de paysans ou de protecteurs de basse classe et doivent aider aux tâches journalières, l'équitation est un fondamental dans notre enseignement.

— Nous sommes bientôt arrivés, m'annonce mon protecteur en jetant un coup d'œil vers moi.

    Je ne réponds pas. Il ne m'en a pas donné l'autorisation et même s'il ne cesse de me répéter que je n'en ai pas besoin, je n'arrive pas à passer outre.

    Me murant dans un silence qui me caractérise bien trop, je me mets à regarder fixement devant moi les pins qui se dessinent.

— J'ai eu du mal à les convaincre, j'espère que c'est une bonne idée, confesse le communicant qui répond au prénom de Nicolas.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now