DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]

Article 6

Toute prétendante qui aura rejoint le Réseau sera physiquement honorée par la virilité des Sept Royaumes. Sa dette envers le roi sera payée de son corps et de son âme déchue.

    Le Réseau se trouve à une heure à cheval à l'ouest de Prima, la capitale d'Avia. Les chemins sont sinueux et parfois impraticables selon les intempéries, et puis il faut dire que personne ne se donne la peine de les désencombrer —c'est un endroit peu fréquentable.

    La vérité est pourtant toute autre et si peu des bourgeois des Royaumes se vantent de se divertir au Réseau, ils sont les premiers à s'y rendre. Impossible pour un homme de classe moyenne de se payer le luxe d'une vierge, ni-même de toute autre femme rejetée par les Royaumes. Le Réseau est pour les riches, créé pour eux et pour enrichir davantage les Royaumes en remplaçant les impôts par une taxe du sexe que tout le monde tente d'ignorer.

    La distance, les chemins sombres et les arbres centenaires qui couvrent la voie de leur ombre maléfique ne découragent pas les quelques centaines d'hommes qui viennent se divertir chaque soir. La faim d'un homme ne se tarit jamais, il se nourrit de l'interdit que l'on ne cesse de mettre sur sa route. Pourrais-je critiquer mes pairs ? Je suis le même —en pire. A la différence que rien ne m'est interdit, alors je prends tout.

    Hier, Nicolas a tenté de m'interdire d'amener Camille au spectacle d'une vierge.

    Aujourd'hui je suis sur mon cheval, Camille derrière moi accrochée à ma taille au milieu de cette semi-obscurité qui me mettrait presque la chair de poule. Nicolas nous suit et ne daigne pas dire un mot, trottant sagement derrière nous, les yeux plissés comme à son habitude.

    C'est lui qui nous a pris trois places pour le spectacle, aux premières loges. Il a bien essayé de me convaincre de ne pas m'y rendre, de ne pas amener Camille, mais plus il avançait des arguments raisonnables, plus il confirmait que mon choix était le bon. A chaque fois qu'il disait non, j'entendais oui. Et je pourrais jouer avec cette contradiction sans cesse, tellement j'aime cela.

    Alors quand Camille a émis l'hypothèse qu'elle serait plus libre en étant l'esclave du Réseau, je savais qu'il fallait lui prouver le contraire.

    Elle ne dormira pas cette nuit, ni les prochaines. Des terreurs viendront troubler son sommeil et elle me verra enfin comme le protecteur que je suis, peut-être même souhaitera-t-elle se glisser dans mon lit pour chercher réconfort dans mes bras. Je ne souhaite pas sa tendresse, ni sa virginité. Mais je lui donnerai l'un et lui prendrai l'autre si elle m'en fait la demande. Elle le fera.

— Valéryan.

— Quoi ?

— Tu pues, siffle Nicolas.

    J'accélère et souffle, fatigué de ne pouvoir, pour une fois, garder mes pensées pour moi. Pourrait-il au moins avoir l'amabilité de faire comme s'il ne les entendait pas ?

— Jamais.

    Je sens Camille qui se retourne, sûrement pour dévisager le communicant, surprise de l'entendre parler seul. C'est une chose à laquelle il va falloir qu'elle s'habitue.

— Trouvez-vous que je sens mauvais, Camille ?

— Non, Monseigneur.

    Quand bien même ça aurait été le cas, soyez persuadés qu'elle n'aurait pas répondu par l'affirmative.

— Vous savez que Nicolas est un communicant, n'est-ce pas ?

— Oui, Monseigneur.

— Par pitié, appelez moi Valéryan.