DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]

Article 17

La Dépendante ne peut instaurer aucun contact physique, ni exprimer aucun désir sans l'accord libre et éclairé de son Protecteur. 

Valéryan

    Au milieu du vacarme ambiant, je ne réalise pas ce que signifient les quelques mots de Camille. Ce n'est que quand elle se lève pour quitter le réfectoire, le visage rougi par la colère et la déception, que la réalité s'impose à moi.

    Elle sait.

    Camille sait que je lui ai menti, tout comme Nicolas. Et moi qui voulais l'amener au sein de la Braise pour obtenir sa confiance, j'ai fait tout le contraire.

    Quand est-ce que je cesserai d'agir comme le dernier des cons au royaume des enfoirés ?

— On répondra à cette question plus tard, cri Nicolas au milieu de la foule, m'attrapant le bras pour m'entrainer à la poursuite de Camille.

    Je ne le fais pas répéter et m'échappe, cherchant au milieu des corps en folie, celui de la belle échappée. Je l'aperçois prendre la poudre d'escampette, sans se donner la peine de claquer la porte derrière. Nous accélérons la cadence et nous faufilons in extrémis dans le couloir avant que quelqu'un d'autre ne puisse s'inquiéter de notre escapade.

    Camille est devant nous, se tenant devant les escaliers, essoufflée.

    Nul doute que la fugue est sa plus grande spécialité, mais il est plus aisé de fuir en terrain connu.

— Camille ! Laissez nous vous expliquer !

    Aussi essoufflé qu'elle, je prends garde à laisser suffisamment de distance entre nous pour qu'elle ne se sente pas oppressée.

    Entre les révélations de notre petite discussion et ce qu'elle vient de réaliser, je suis à peu près certain que le contact est la dernière chose qu'elle souhaite établir avec moi. Dans le meilleur des cas, sa main finirait sur ma joue —et ce ne serait pas pour une caresse.

— M'expliquer ou me mentir ?

    Elle crie, froissant sa robe bleu nuit dans ses poings, dévoilant ses chevilles blanches qui font travailler plus que nécessaire mon imagination débordante.

— Je peux vous expliquer, tout vous expliquer.

— M'expliquer pourquoi vous m'avez menti ? Pourquoi me diriez-vous la vérité maintenant ?

— Je l'ai toujours fait, tout ceci n'était que la vérité.

— Vous mentez !

— Pas cette fois.

— Mensonge !

    Elle recule et monte une marche, prête à grimper l'escalier en un temps record si je n'arrive pas à désamorcer la situation.

    A côté de moi, Nicolas se tait. Il a choisi le mauvais moment pour se taire.

    Je fais un pas en avant et m'arrête quand elle gravit la deuxième marche en s'agrippant à la rambarde avant de hurler :

— Vous mentez quand vous parlez, vous mentez quand vous respirez, je suis sûre que vous mentez même quand vous dormez !

— Camille...

    Alors que je m'apprête à essayer de la convaincre par je ne sais quel moyen, j'entends la porte qui mène aux escaliers s'ouvrir, à l'étage. Je panique à l'idée d'être surpris, craignant plus que tout que la petite scène de Camille la décrédibilise aux yeux des membres de la Braise.