Article 22

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Dans chacun des Sept Royaumes, qu'il soit terre féconde ou d'exil, l'amour y sera prohibé sous toutes ses formes afin de ne pas encourager les dérives propres aux Dépendantes.

Valéryan


    Le visage fermé mais affichant un curieux sourire, Arlette s'éloigne.

    Alors j'attrape la main de Camille en m'accroupissant devant elle pour me mettre à son niveau, puis je lui caresse la joue et essuie ses larmes qui les dévalent. J'aimerai ne jamais m'arrêter, prendre son visage entier entre mes mains et le tenir de cette façon chaque matin et chaque soir, que le coucher de soleil de cette soirée me soit garant de cette promesse.

— Tu avais raison, n'est-ce pas ?

    Nicolas garde le silence, bien qu'il sache que je m'adresse à lui. Mes pensées sont un livre ouvert et je sais qu'il en dévore chaque page avec faim.

    J'ai l'habitude de ne pouvoir garder aucun secret et ai appris à m'en amuser, mais jamais je ne me ferai au fait que Camille puisse faire de même. Pourtant je les lui offre. Toutes mes pensées convergent vers elle, comme si elle était un aimant d'une puissance inégalée.

    Je veux tout lui offrir.

    Mes pensées, mes secrets, moi.

    Qu'elle l'entende, l'accepte et par-dessus-tout, le croit.

    Parce que je ne suis pas le monstre pour lequel je viens de me faire passer.

    Parce que j'avais besoin de savoir et ne pouvais le faire autrement qu'en la brusquant de la sorte.

    Poussé par un besoin irrépressible de la tenir plus près de moi, j'enroule mes bras autour de ses épaules et la laisse se blottir contre moi. Son souffle court contre mon cou, erratique. Ses larmes trempent ma chemise.

    Je culpabilise tant d'avoir été ce despote tyrannique que je tente de fuir depuis mon adolescence tout autant que je m'en félicite. J'avais besoin de savoir.

    Pardonne-moi, Camille.

    Arlette nous avait confié qu'il fallait un choc émotionnel particulièrement important pour révéler son don, offrir une tasse de café soi-disant empoisonnée à Camille ne suffisait pas. Je l'ai su au moment où j'étais prêt à tout abandonner en accusant Nicolas de son instinct défaillant.

— Valéryan, elle t'entend.

— Je sais.

— Il y a des choses qu'elle ne devrait pas entendre, insiste Nicolas, contrarié.

    Je resserre mon étreinte sur elle, me satisfaisant de ses bras qui froissent maladroitement ma chemise. Que les Dieux emportent les doutes de mon ami, qu'ils prennent avec eux ceux qui pensent que la créature agenouillée devant moi est un danger.

    Elle est un cadeau, et de tous les Dieux oubliés des Sept Royaumes, elle en est leur enfant.

— Qu'elle prenne ce qu'il lui plaira.

— Tu te fourvoies.

    Je tourne la tête et m'adresse à Nicolas d'un ton cinglant :

— Ce n'est pas parce que je ne t'ai accordé aucun rang en particulier que tu dois oublier que je suis au-dessus de toi.

    Le communicant siffle, les yeux bleus pétillants d'une rage rare :

— Valéryan, éloigne-toi d'elle.

DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]Where stories live. Discover now