DÉPENDANTES [ L'émeraude des Sept Royaumes ]

Article 28

Lors de chaque lune vermeille, toutes les extravagances des protecteurs seront autorisées pour rendre grâce à la puissance des Royaumes.

— Il sut dès la première seconde où il croisa le regard de la Déesse de la Nuit, que c'était elle. Son âme tout entière vibrait pour elle, lit Camille d'une voix chaleureuse. Jusqu'à présent, il pensait que seul le soleil pouvait réchauffer son cœur de cette manière, il s'était fourvoyé. Entre les astres, la foudre avait frappé.

« Au dix-septième jour de la création du monde, les Dieux se firent la promesse suivante ; il lui offrirait ses jours là où elle ferait de même avec ses nuits.

Je ferme les yeux et l'écoute me conter avec application l'histoire que je connais par cœur. L'atmosphère rend son récit presque réaliste, comme si les flammes et l'obscurité ajoutaient la magie nécessaire pour que tout ce charabia prenne vie.

Je m'imagine sans peine la Déesse, perchée au sommet des monts de Muliebris en train de discuter avec la lune vermeille. Je les vois, les Dieux, en émoi de se découvrir pour la première fois.

Les yeux toujours clos, je laisse tomber ma tête sur les épaules de Camille et glisse mon nez contre son cou. Mes bras entourent sa taille où mes doigts dessinent des cercles réguliers pendant qu'elle me fait la lecture en marquant des pauses quand mon contact la chatouille un peu trop.

A chaque fois que cela se produit, je cesse tout mouvement et prends le temps d'attendre qu'elle se reconcentre avant de recommencer, encore et encore.

Je ne me lasserai jamais.

Je veux lui offrir toute la tendresse des Sept Royaumes, qu'elle la prenne et l'apprenne sans peine.

— Les Royaumes connurent la paix et la prospérité pendant des décennies, reprit-elle finalement. La Déesse de la nuit était joyeuse, enjouée et distribuait du bonheur dans les rues en souriant aux enfants. Le Dieu du jour, quant à lui, découvrit les nuits où il prit goût à contempler les étoiles aux côtés de sa douce.

Elle arrête soudainement sa lecture.

— Qu'y a-t-il ?

— Je me demandais si j'avais envie de connaitre la fin de l'histoire, j'aimerai qu'elle se finisse de cette manière.

— Dans le bonheur ?

— Oui.

— Il y a plusieurs formes de bonheurs.

— Peut-être, mais je ne veux pas que les Dieux soient séparés.

— Ils ne sont pas séparés.

— Ils sont morts !

— Ils sont endormis sous la mer, ensemble.

— Ce n'est pas la fin que j'espérais.

Prenant appui sur mes coudes, je me redresse légèrement afin d'éviter de me retrouver totalement allongé. Camille râle tout en douceur alors que je repositionne rapidement mes mains sur sa taille et lui chuchote à l'oreille :

— Nous pouvons arrêter la lecture maintenant si vous le souhaitez, vous irez dans votre lit et moi dans le mien.

— J'ai envie de connaitre la suite, s'empresse-t-elle de rectifier.

Je pince sa peau et m'esclaffe devant tant de pudeur cachée sous une fierté extrêmement mal placée que j'affectionne tout particulièrement.

Ma naïveté a ses limites et je sais que ce n'est pas uniquement la suite de la légende qu'elle a envie de connaître.