Chapitre 6

92 28 4
                                    

Bonjour à tous ! Jusqu'ici j'espère que cette histoire vous plait, même s'il n'y a que six chapitres de sortit ! En tout cas, la suite sera d'autant plus palpitante, ça je peux vous le garantir ! N'hésitez pas à me donner votre avis dans les commentaires et un petit vote fait toujours plaisir !

Bonne lecture ! Et des bisous partout (même dans les endroits les plus insolites (genre, sur le lunule (avouez vous savez pas ce que c'est 👀 ))

Date de rédaction : 15/12/2022

17 ans plus tôt

Accoudée sur la table, je piquais du nez devant mes livres d'apprentissage. Le froid qui régnait dehors avait gelé les vieux carreaux à moitié brisés et le poêle à bois perdait de sa chaleur à mesure que les heures défilaient et que la nuit dévorait toutes les parcelles de lueur. La flamme de la bougie à mes côtés vacilla, mais le courant d'air n'en vint pas à bout. Dans mon dos, j'entendis la porte d'entrée claquer. Ramener d'entre les dormeurs, je me redressais pour découvrir Louiza, à peine reconnaissable sous toutes les épaisseurs qu'elle avait revêtues.

— Quel temps de merde, se plaignit-elle en tapant ses bottes couvertes de neige sur le tapis.

Elle quitta sa longue écharpe violette, ainsi que son manteau noir déchiré à quelques endroits. À la hâte, je refermais mes livres, et mon tas de feuilles gribouillées de toutes mes révisions ne lui échappa pas.

— Alors tu progresses ?

Toute fière, je plantais les mains sur mes hanches avant de déclarer :

— Bien sûr, I can hablar quatro sprachen gleichzeitig.*

— Tien c'est nouveau, t'appelles ça comment ? Du franglespallemand ?

— J'aurais pas dit mieux !

Nous pouffâmes de rire en même temps tandis que je me précipitais jusqu'à elle pour comprendre qu'elle ne revenait pas les mains vides.

— Continue comme ça, connaitre un maximum de langues t'ouvrira toutes les portes.

Je crois qu'elle mettait un point d'honneur à me foutre le nez dans tous les bouquins d'histoires et de langues. Elle voulait me voir réussir là où elle avait échoué, ou plutôt abandonné. L'école ce n'était pas pour elle, et pas pour moi non plus, vu nos conditions de vie, nous ne pouvions pas nous le permettre. Nous vivions au jour le jour, et cette crainte de l'inconnu que nous réservait le lendemain ne nous quittait jamais. Pour rien au monde je ne me séparerais d'elle.

— Qu'as-tu ramené cette fois ? m'impatientais-je en prenant place sur le vieux canapé qui me servait aussi de lit.

Louiza s'installa, elle posa le sac sur ses genoux et déballa le contenu. Toute contente, ma sœur me tendit un nouveau livre, et pas de pédagogie pour une fois. La joie me gagna considérant le titre séducteur : The Black Mask, de Ernest William Hornung, un auteur de roman policier que j'appréciais tout particulièrement, même si son nom se cachait souvent dans l'ombre de son beau-frère, Sir Arthur Conan Doyle.

— Où l'as-tu trouvé ?

— Dans une brocante.

Vu les pages de l'ouvrage jaunies et son odeur d'amande qui offrait un gout de nostalgie à ce vieux livre, j'imaginais qu'il était déjà passé entre d'innombrables mains avant d'arriver aux miennes. Je me plaisais à lire les aventures d'A. J. Raffles, parfait gentleman le jour et véritable cambrioleur la nuit. Je l'admirais, autant que j'admirais Louiza, je voulais lui ressembler, pour n'avoir jamais peur de rien et trouver une solution à chaque problème.

— Merci ! m'enquis-je en la serrant dans mes bras.

Elle me rendit cette étreinte chaleureuse, puis comme Mary Poppins et son bagage sans fond, elle continua de déballer ses trouvailles. Deux boites de haricots en conserves, un stylo, un plaid rouge qui prenait le plus de place, trois bougies supplémentaires pour éclairer notre logement de fortune... Et enfin une bague en or, un collier en perles de culture et trois portes-feuilles. Avide, elle ouvrit ces derniers pour en extraire les billets, la monnaie et les cartes de crédit. J'attrapais une pièce d'identité pour découvrir à quoi ressemblait le détenteur du portemonnaie en cuir bleu. C'était un vioc, plus un cheveu sur son crâne et des rides à profusion, une cravate lui serrait le cou et son costume semblait parfaitement taillé sur ses épaules.

— Ce type a l'air plein aux as, raillais-je avec amertume.

— Et il l'est, ajouta Louiza en me désignant une carte gold.

C'était peut-être mal ce que nous faisions, voler tout ce qui se trouvait à porter de nos mains. Mais on ne dépouillait que les gens friqués et ce détail me rassurait. Je voyais Louiza comme une Robin des Bois des temps modernes. Elle voulait connaitre un jour de plus, elle voulait m'offrir un peu de bonheur. Nous nous étions trouvés bien des années avant et nous avions décidé de survivre ensemble. Jusqu'ici, on s'en sortait plutôt bien, estimais-je. Les enfants seuls se retrouvaient en foyer, un véritable enfer, plus jamais je ne voulais connaitre un tel environnement. Même si cela me privait de l'école, je préférais me tenir auprès de la seule personne en qui je pouvais avoir confiance, la seule qui ne me trahirait jamais, la seule que je chérissais plus que tout.

— Je ressors, avant que ces gars ne fassent opposition.

Louiza se redressa, elle attacha ses longs cheveux bruns avec un chouchou bleu que je lui avais offert à Noël l'année dernière.

— Je t'accompagne ! ajoutais-je en sautant sur mes chaussures.

— Non !

Interrompue dans mon élan, mes épaules se relâchèrent de déception. C'est souvent qu'elle s'absentait à la tombée du jour pour chaparder à droite et à gauche. Je l'imaginais faire tout un tas de trucs palpitants, sans moi...

— Continue d'étudier, m'encouragea-t-elle en plongeant dans son manteau. En plus, il fait nuit, c'est plus dangereux, tu viendras la prochaine fois.

Toujours le même discours, j'adulais Louiza, car elle savait se montrer autant généreuse que bienveillante. Mais parfois, elle revêtait ce masque de dureté, elle dissimulait ses secrets et m'abandonnait pour quelques heures de plus.

— Reviens vite !

La porte claqua.

*Je peux parler quatre langues en même temps.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now