La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]

Chapitre 10

Calixte

J'ai pété un plomb.

Le contrôle m'a échappé.

Cela n'aurait jamais dû arriver.

Laborieusement, je passais mon visage sous l'eau froide pour retrouver mes esprits. Onze mois que je n'étais pas revenu ici, onze putains de mois où je n'avais côtoyé que la violence en tant que seul mot d'ordre. Ils avaient fini par déteindre sur ma personne. Non ! Elle m'avait poussé à bout et elle portait à merveille ce surnom à l'origine de sa réputation. Par réflexe, je portais le regard sur ma montre pour m'assurer de sa présence.

J'arrachais plusieurs feuilles pour m'éponger. J'étais de nouveau opérationnel et pourtant, j'hésitais à quitter les toilettes des hommes. Car je savais pertinemment que Livia et Hana risquaient de me moraliser une fois de plus. En tout cas, pas question que je remette un pied dans la salle d'interrogatoire. Si je me pointais une nouvelle fois devant cette voleuse, je craignais que personne ne puisse me retenir, surtout si elle s'amusait encore à jouer les provocatrices.

Je quittais les toilettes, non sans me sentir encore habité par cette irritabilité impérissable. Mes pas résonnèrent dans les couloirs, la plupart du personnel avait bouclé sa journée, mais pas nous. Pas au vu de la situation plus qu'urgente. L'obscurité nimbait les bureaux qui se confondaient avec tant d'autres, la nuit était tombée, le temps défilait à une vitesse qui m'échappait. Et mon sommeil se révélait plus court que je ne l'avais imaginé en rentrant au pays. En fait, je ne parvenais pas à fermer l'œil, mon esprit s'obstruait de mille et une pensées, et cette affaire de dossiers dérobés me tendait au plus haut point. Le Colonel Smith m'avait chargé de gérer la situation avec Interpol, mais sincèrement, je me sentais au pied du mur. Et avec l'idée folle d'Almeida d'intégrer l'autre fauteuse de trouble à l'opération, celle-là même à l'origine de ce bordel, cela me mettait d'autant plus en colère. Tout ceci n'avait rien de légal, mais entre ces cloisons seuls les résultats comptaient, ils se foutaient des moyens mis à contribution. Hana paraissait d'ailleurs en total accord avec ces termes.

Dans ma poche, je dénichais mon paquet de chewing-gums à la menthe, une alternative à la clope, bien qu'à cet instant, je brûlais d'envie d'en coincer une entre mes lèvres.

Derrière une porte entrebâillée, des voix s'élevèrent. Je les reconnaissais très bien.

- Je peux savoir ce qui t'a pris ? exigea la membre du comité furieuse.

Elle m'agaçait avec ses airs supérieurs, et à estimer le regard préoccupé que me portait Hana, elle prit ma défense d'une façon assez prévisible.

- Moi je sais, mais ne t'en fais pas, je veillerai à ce que cela ne se reproduise plus.

- Vous avez intérêt ! Nous n'avons pas besoin d'un nouveau scandale.

Livia tenait à sa réputation, à l'image de notoriété qu'elle renvoyait aux médias, une femme droite dans ses bottes en quête de justice, prête à tout pour faire régner la paix. Mais pour ceux qui œuvraient à ses côtés, la réalité était tout autre. Livia savait aussi bien mentir que manipuler, et si cela lui paraissait nécessaire, elle n'hésitait pas une seconde à fermer les yeux sur les droits de tout un chacun, les conventions de Genève n'existaient pas à ses yeux. Oh oui, même si je ne l'avais jamais vu à l'œuvre, je la savais capable de choses terribles.

Impossible de ne pas porter mon attention ailleurs que sur cette présence de l'autre côté de la vitre. Elle jouait avec ses doigts, l'air de rien, à la voir ainsi, difficile de la considérer comme le plus grand fléau que l'on ait connu ces dernières années.

- Putain, mais comment pouvez-vous songer une seconde à collaborer avec une arnaqueuse dans son genre ?! m'emportais-je encore une fois. Le gouvernement s'opposera cette décision. Dans ce genre d'affaires, ils ont besoin d'un responsable, quelqu'un que l'on pourra lyncher sans scrupule sur la place publique. Alors personne n'acceptera que l'on relâche une criminelle sous prétexte qu'elle peut se montrer "utile".