La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]

Chapitre 35

Date de rédaction : 13/05/2023

Calixte

Je repoussais douleur et fatigue, ne gardant à l'esprit que mon objectif final, celui d'arriver à destination. Le soleil déclinait, sa silhouette se perdait derrière les cimes montagneuses. Devant elles, je me sentais ridicule, inexistant, vulnérable. Elles s'élevaient majestueusement, rien ne pouvait les coucher, elles existaient bien avant nous et elles continueront d'exister bien après.

Difficile de croire tout le chemin que je venais de parcourir pour arriver jusqu'ici.

J'avais retourné le fond de mes tiroirs pour dénicher de vieux papiers, des faux évidemment, de quoi me permettre de quitter le pays sans que l'on me remarque. Passeport, permis, carte de crédit, j'abandonnais Calixte Wiles dans la périphérie de Londres. Pour reprendre une identité adoptée dans le cadre d'une opération cinq ans auparavant. Je venais de partir les poches pleines de billets, le résultat de toutes mes maigres économies qui ne reposaient pas sur un compte en banque. Le ferry pour traverser la Manche et les petites routes de campagne afin d'éviter les grands axes, tout était bon pour disparaître. Ainsi, en dépassant Genève, j'avais entamé mon troisième plein d'essence, et je cumulais à mon grand désarroi plus de douze heures de route. Mes trapèzes me tiraillaient, toute ma colonne vertébrale se tendait sous la fatigue, et je voyais enfin le bout de mon calvaire.

Des paysages, j'en avais vu à la pelle, mais jamais en si peu de temps. J'étais passé de la grisaille du nord londonienne, aux champs vallonnés et fraichement labourés. En traversant la France dans toute sa longueur, j'avais admiré les plaines sillonnées de vignobles et de villages pittoresques en vieilles pierres, pâturages et collines, tout en contournant les grandes villes jusqu'à distinguer la cime des Alpes. Pour autant, je ne soufflais pas encore. Je peinais à imaginer ce qui m'attendrait une fois arrivé à terme. Cela ferait bientôt une semaine que je me trouvais sans nouvelle d'Isis. Même en scrutant l'actualité italienne, je n'avais trouvé aucun article mentionnant la voleuse ou bien Busto Arsizio. Je ne la reverrais peut-être jamais. Brusquement, je quittais mes songes, secouant la tête et m'efforçant de garder ma concentration sur la route. Autant ne pas prévoir de plans et aviser une fois sur place.

Le paysage de Zermatt était à couper le souffle, composé de montagnes spectaculaires, de glaciers étincelants et de vallées enneigées. On apercevait facilement les pistes de ski et sentiers de randonnée qui serpentaient les reliefs et chevauchaient les ruisseaux, je m'imaginais au beau milieu de cet éden, à contempler la vue imprenable sur la nature environnante, des lacs alpins coruscants aux cascades rugissantes. Le centre du village se composait quant à lui de petites rues pavées et de charmants bâtiments traditionnels, avec des toits en bois et des balcons fleuris. Aucune voiture n'était autorisée à circuler dans Zermatt, il fallait donc contourner la ville.

Mon GPS me menait au bout de cet interminable trajet et, aussi étrange que cela puisse paraître, je concevais très bien le genre de paradis qu'Isis me décrivait trois semaines plus tôt. Elle devait se plaire ici. À mesure que je m'éloignais de la commune pour gagner les hauteurs, la golden hour inondait le ciel d'une lueur chaude et douce, créant ainsi une ambiance particulièrement relaxante. Je pourrais vivre dans un cadre comme celui-ci, loin de tout... Disparaître. Mais n'est-ce pas un peu ce que je fais en ce moment même ? Je risquais gros si Smith s'apercevait de mon départ.

Bien vite, sur ma droite, dans le sens de la montée, un portail ne tarda pas à se dresser sur mon chemin. J'arrivais à l'adresse fournie par Ben. Aucune erreur, car sur la boite aux lettres, je retrouvais bien le nom de Victoria Torres alias Aure Visconti alias Isis Meier. Je me surprenais à sourire, la faute à la fatigue qui engourdissait chacun de mes membres et rendait mon esprit assujetti à la distraction.