Chapitre 25

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Date de rédaction : 26/03/2023

Calixte

Difficile de croire que nous y étions, surtout en considérant notre voleuse plus décontractée que jamais. Il s'agissait de notre dernier briefing, à l'étroit parmi les installations d'Hana dans la camionnette grise, j'ajustai mon oreillette tout comme ma cravate et ma montre. À l'extérieur, on pouvait entendre le monde se réunir et passer les portes de la Scala. Raphael Verano avait loué tout le théâtre, des vigiles pour contrôler les invitations, des serveurs au petit soin avec les invités et un orchestre privatisé, nul doute que ce type avait les moyens de se procurer les dossiers d'État.

— Je vous fais signe si je vois Falko entrer, annonça Hana en s'installant devant ses deux écrans qui offraient une vue d'ensemble sur les caméras du bâtiment.

J'opinais. Isis se décida à me passer sous le nez pour ouvrir la porte et rejoindre l'extérieur. Prêt à lui emboiter le pas, ma coéquipière me rattrapa de justesse pas la main.

— Cal ! Surveille-la bien.

Évidemment, il n'était pas question que cela se passe autrement. Cette nuit, je me méfiais autant de Verano et de Reis que de Meier. La moindre inadvertance pourrait nous faire échouer sur tous les fronts.

— À tout à l'heure, m'enquis-je en l'abandonnant.

Parmi les convives qui se dirigeaient vers le théâtre, je craignais déjà d'avoir perdu notre voleuse. Je traversais un passage piéton, longeais le musée d'art contemporain qui faisait face à la grande place et à tout juste une dizaine de mètres, je l'aperçus. Les lumières pâles des réverbères se reflétaient sur ses hanches comme le satin de cette robe. À chacun de ses pas où je percevais le claquement de ses talons, ses cheveux châtains aux reflets d'or rabattus en arrière se balançaient sous le vent et laissaient entrevoir un dos nu qui plongeait jusqu'à ses reins. Isis, Aure, ou bien Eleanor Brown, quel que soit son nom, elle en imposait, elle attirait les regards, c'est ce qu'elle désirait. Et à mon grand malheur, elle dégageait un charme si édénique qu'il distillait en moi des perceptions anacréontiques que je ne parvenais même plus à chasser.

La voleuse jeta une œillade par-dessus son épaule et m'incita à la rejoindre. De ma veste, je sortais le carton d'invitation, mieux valait-il que ce soit elle qui la donne une fois entré.

— Vous m'entendez bien ? interrogea Hana dans mon oreille.

— Cinq sur cinq.

Ce lieu puait l'oseille et les faux semblants. Ils étaient plus d'une cinquantaine à se rendre au même endroit, paré de costumes sur mesures, de robes extravagantes et à nous regarder, Isis et moi n'y faisions pas exception. Parader sous les regards des autres qui se comparaient tout en essayant de se convaincre qu'ils étaient les plus prospères me révulsait. Je n'y voyais pas ma place, à contrario, la voleuse nageait à mes côtés comme un poisson dans l'eau.

— Ta main, s'enquit-elle à voix basse.

— Quoi ma main ?

Ses prunelles dont les nuances m'évoquaient l'œil-de-tigre demeuraient fixées droit devant.

— Ta main sur ma hanche.

Je fronçais les sourcils face à cette demande saugrenue et malvenue.

— Non, je ne vais pas mettre ma main sur ta hanche.

Au loin je remarquai enfin la source de son inquiétude, une vieille dame qui agitait un bras en l'air pour nous faire signe tout en s'approchant.

— Fais-le.

— Pourquoi ?

Sèchement, Isis s'arrêta pour me confronter, devant tout ce rassemblement, cette proximité entre nous passait inaperçu, personne ne soupçonnait ô combien la voleuse aux mains d'or perdait patience.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now