La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]

Chapitre 31

Date de rédaction : 22/04/2023

— T'es tarée, on te la déjà dit ?! beugla Jelle en tirant sur le filtre de sa cigarette jusqu'à s'en cramer les poumons.

— Pas de cette manière.

Ma codétenue faisait les cent pas dans l'encoignure à l'abri des regards au fond des toilettes, seul endroit qui n'était pas couvert de caméras. Et dans son indignation, je pouvais l'entendre répéter des paroles qu'elle adressait à dieu. Elle le suppliait de me pardonner pour mes mauvaises intentions. Elle l'implorait dans l'espoir de résister à la tentation que je représentais.

Mes yeux roulèrent jusqu'au ciel, les bras croisés, le dos appuyé contre un mur bétonné, je m'impatientais de sa réponse :

— Alors ?

— Je dois réfléchir.

Voilà qu'elle se rongeait les ongles.

J'avais cogité toute la nuit, ressassant encore et encore mon entrevue avec Calixte. Et plus aucun doute ne subsistait dans mon esprit.

Agacée, je décidais de sortir mon petit passe-temps, à savoir le livre emprunté à Béatrice. Le temps que Jelle se décide à sortir de son interminable conflit de conscience, je pouvais lire quelques pages. Étonnement, plus j'avançais dans mon aventure entre les murs du château d'If, plus je m'identifiais à Dantès. Cet homme trahi et animé par la vengeance, qui ne désirait que fuir la geôle où on l'avait enfermé à tort. Et Jelle Manceni était mon abbé Faria, enfin, j'espérais qu'à l'issue de sa décision elle ne connaîtrait pas le même sort que ce pauvre gars. Mondego devait payer ! Tout comme Falko !

— Si on se fait prendre, on est foutues...

— On est déjà foutues entre ces murs. Ne rêves-tu pas de revoir ta fille ?

Le regard de Jelle s'illumina. Je n'aimais pas tirer sur avec la corde sensible, mais j'imaginais qu'il n'y avait pas d'autre moyen de la voir céder.

— Si !

Elle déglutit en se tripotant les doigts, déchirée entre son envie et sa morale.

— Mais pas de cette manière...

Ses mèches châtains couvraient en partie un regard larmoyant, témoin de la bataille qui rageait dans son for intérieur. Soudain, Jelle s'accroupit, ses bras encerclant ses genoux eux-mêmes ramenés contre sa poitrine.

— Isis, j'ai tué. Je mérite cette pénitence.

— T'as tué un type qui méritait de crever. C'était de la légitime défense, tu n'as rien à foutre ici.

Puis un sanglot éclata.

— Dehors, à part Rosa, je n'ai plus rien.

Machinalement, elle tira une nouvelle cigarette de son paquet puis craqua une allumette pour se réconforter. La voir dans cet état me fendait le cœur.

— Et moi je possède tout. Alors je t'en prie, laisse-moi t'aider. J'ai assez d'argent pour que tu sois comblée pour le reste de ta vie.

Nous nous connaissions à peine, mais je voulais lui offrir une chance. Une façon aussi pour moi de faire amende honorable.

— De l'argent volé... corrigea-t-elle en reniflant.

— Tout de suite les grands mots.

Ma réaction lui arracha un subtil sourire, puis elle se concentra une nouvelle fois sur sa clope.

— Quand veux-tu passer à l'acte ? questionna-t-elle indécise.

Par réflexe, je portais une main contre ma plaie, d'ici quelques jours elle sera cicatrisée pour de bon, je ne le permettrais pas.