Chapitre 14

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Date de rédaction : 18/01/2023

Calixte

— Comment tu te sens ?

— Assommée...

Je lui tendis une poche de glace trouvée dans le vieux congélateur dans la cuisine. Hana se tenait là, complètement avachie sur le canapé, encore accablée par le choc qu'elle avait reçu deux heures plus tôt. Nous avions quitté la cachette de Falko Reis pour la laisser entre les mains des experts qui en ce moment même ratissaient toute la zone afin de dénicher le moindre détail qui nous mènerait à ce salaud. Le voile nocturne s'abattait doucement sur La Haye, et depuis la fenêtre de notre appartement de fortune, j'apercevais le complexe sportif de la ville située au beau milieu du Zuiderpark. Le paysage londonien me manquait, mais que je sois d'un côté de la Manche ou bien de l'autre, je parvenais à me satisfaire de l'endroit. Pas d'immeubles délabrés, pas de cri au bas de la rue, pas de détonations assourdissantes comme les tirs en rafale d'une mitrailleuse, pas d'assaillants à notre porte et pas d'instabilité politique, enfin pour l'instant. Malgré l'urgence de la situation, ma position s'apparentait presque à des vacances.

— Ça serait un euphémisme d'affirmer qu'avec Falko nous avançons sur un terrain miné, ajouta Hana sans parvenir à relativiser.

Par chance, aucun de nous n'était blessé, mais voir la voleuse y laisser quelques plumes aurait pu me satisfaire dans une certaine mesure. Le plus important était qu'Hana se porte bien, Wyatt ne me l'aurait surement jamais pardonné sinon.

— Il savait que je viendrais, alors il a voulu m'accueillir avec tout son savoir-faire.

L'intervention de notre fauteuse de trouble hérissa mes poils, elle jouait aux innocentes et je n'aimais pas ça, surtout en sachant qu'elle se gardait bien de partager ses informations avec nous.

— Vous étiez amis, alors pourquoi faire ça ? questionna ma collègue en réprimant un frisson à cause du froid qui regnait dans la pièce.

Isis Meier haussa les épaules d'un air évident.

— L'appât du gain, l'envie de changer d'horizon, marre de se sentir inférieur.

Drôle de façon de « changer d'horizon » dans ce cas, certains déménagent, d'autres partent en voyage, mais lui, il vole, trahit et explose tout ce qu'il désire. Enfin, à bien y réfléchir, l'autre criminelle ne devait pas se montrer bien différente. Et pour l'instant, elle demeurait calme, trop calme, les bras croisés, appuyée contre un meuble, ses prunelles d'ambres perdues dans le vide. L'étau se resserrait autour de son cou, si nous n'apportions pas vite de bonnes nouvelles à nos supérieurs, elle risquait à coup sûr de finir derrière les barreaux plus tôt que prévu. C'est bien pour ça qu'elle coopérait, du moins quand ça l'arrangeait. Elle nous en donnait juste assez pour nous permettre d'avancer, mais se gardait tous les détails, pour nous éviter d'atteindre notre objectif trop vite.

Exténué, je me laissais tomber sur le canapé en songeant à l'appel qu'il me faudrait bientôt passer pour Almeida, qu'elle plaie... Et puis cet appartement minable qui puait le renfermé et l'humidité, ils n'avaient fait aucun effort pour nous accorder un minimum de confort. Un salon trop petit pour que l'on y circule à trois, une vieille salle de bain aux joints moisit et à la fenêtre cassée, ainsi qu'une chambre avec un seul lit, cela va s'en dire, Hana prendrait le seul confort de cet endroit, elle en avait grand besoin. Quant à Isis, je supposais qu'elle occuperait le sofa. D'ailleurs, elle ne tarda pas à rejoindre ce dernier. Son pouce grattait machinalement le bout de pansement qui couvrait les fines coupures presque cicatrisées depuis la semaine dernière. À la voir comme ça, elle ne ressemblait en rien à une voleuse, mais les apparences sont souvent trompeuses, voilà l'une des premières leçons que l'on nous enseignait sur le terrain.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now