Chapitre 37

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Date de rédaction : 26/05/2023

— Ça ne t'inquiète pas que ton nom pourrait sortir d'un jour à l'autre ? questionnais-je sans le lâcher du regard.

Calixte me tournait le dos, il contemplait tous mes trésors exposés de part et d'autre de mon salon. Son insistance sur mes vases en porcelaines me poussait à redoubler de vigilance, j'étais une voleuse, je connaissais la tentation, et mon repère reflétait l'incarnation même de cette dernière.

— Pas pour l'instant.

Pour l'heure, mon invité improvisé se montrait patient, vu mon état, je ne me sentais pas en mesure de traquer Price. Et dans le fond, tout comme moi, Calixte avait besoin de repos. Il gardait le silence sur son état navrant. Mais le soir, lorsque mon attention se perdait au détour du couloir sur la porte entrouverte donnant sur la chambre d'ami, je distinguais très bien ses bras couverts d'éraflures ainsi que son dos. Quand il s'asseyait, je percevais les plaintes qu'il bloquait dans le fond de sa gorge et il finissait inévitablement par se plier sous une douleur invisible. C'était sans doute la raison pour laquelle il restait debout quasiment à longueur de journée, enfin tant que je demeurais à sa vue. Il avait morflé, peut-être plus que moi. Mais m'en toucher un mot serait un aveu trop gros pour lui.

Avec la plus grande délicatesse, je m'appliquais à changer mon pansement, une odeur d'œufs brouillés flottait encore dans les airs, mais la poêle sur la plaque s'avérait vide. Il cuisinait plutôt bien, si tant est que couper des fruits et cassés des œufs sur le feu s'accorde à un exploit culinaire.

— Dis-moi, où est passée la Fiat poussin ?

Je n'avais remarqué la disparition de la voiture tape-à-l'œil que trois jours après mon retour. Et face à ma question, ou plutôt mon appellation, Calixte ne put s'empêcher d'étirer un sourire.

— T'en occupes pas, tout est réglé.

Ses mirettes parcouraient avec grand intérêt ma vitrine composée de mes meilleures bouteilles. Du Krug Clos d'Ambonnay au Blanc de Blancs de Perrier-Jouët, c'était ma petite réserve privée, même Falko n'y avait jamais posé les mains.

— Cette collection est impressionnante.

Voilà de quoi flatter mon égo, je croisais les jambes en abandonnant le matériel de soin, et ceci pour mieux admirer ce regard ébahi qui se noyait devant tant d'étiquettes aux noms prestigieux.

— Tu aimes le bon champagne ?

— Il m'arrive d'en boire... répondit-il, penseur.

Autrement dit, il n'y connaissait rien. En fonction du millésime et de la disponibilité, les cuvées P3 Plénitude de Dom Pérignon coutaient entre trois-cents et six-cents euros par bouteille. Et pour un réhoboam de Krug Clos, j'avais dépensé plusieurs milliers. Mais pour l'heure, je n'avais pas encore trouvé l'occasion de déboucher ce bijou.

Ces longues minutes à le zieuter en toute discrétion commençaient à me déranger, peut-être parce qu'il me tournait constamment le dos ? Ou juste parce que je sentais que Calixte évitait tous les sujets sensibles, et bon sang qu'ils étaient nombreux ! D'un air éreinté, il tira une chaise pour s'installer à l'autre bout de la table. Sa main gauche toujours appuyée sur son flanc opposé, Calixte souffrait, mais il était prêt à serrer les dents et retenir son souffle pour ne rien montrer. Mais malgré ses efforts, il devait bien savoir que l'on ne pouvait rien me cacher.

— Et si on arrêtait de meubler les discussions ? Ça fait trois jours que tu es ici, j'ai bien compris que tu veux te faire Price, mais pourrais-tu au moins lever le voile sur ton piteux état ?

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now