Chapitre 33

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Date de rédaction : 03/05/2023

De ma main libre, je détachais l'épingle dérobée à Béatrice planquée dans mes cheveux. À coup de dents, je tordais le métal pour le déplier et retirer les pointes de plastique sans quitter des yeux l'urgentiste qui préparait une seringue. La pointe enfoncée dans le verrou, il me fallait à nouveau tourner la tige dans un angle de soixante-dix degrés. Je recourbais une seconde fois la barrette afin de la diriger vers le loquet de verrouillage. Celui-ci se situait à un angle de quatre-vingt-dix degrés du trou de la serrure. Mon rythme cardiaque s'accélérait, chaque seconde sonnait comme une éternité et d'ici peu une ribambelle de soignants se pointerait pour me prendre en charge. Je ne m'autorisais aucune erreur. Il me suffisait juste de tourner la clé improvisée, avec la bonne maîtrise, je devrais parvenir à mes fins. Et, d'une façon assez prévisible, un cliquetis retentit. La présence à mes côtés se rigidifia, la jeune brune n'osa même pas se retourner, alors que j'en profitais pour me redresser et enfin quitter le brancard. Une main plaquée sur le tas de compresses contre ma plaie, je peinais à respirer, je me sentais vaciller.

— Que... Que faites-vous ? interrogea la secouriste, confuse et intimidée.

— Ça se voit pas ? souriais-je en prenant enfin appui sur mes jambes.

Mes doigts glissèrent lentement le long de son bras, la pauvre recula jusqu'à buter contre les rangements. Elle ne me résista pas. Je me trouvais peut-être dans un sale état, mais je savais toujours user de mes charmes. Je m'emparais sans opposition de la seringue avant de lui avouer :

— Je m'enfuis ma jolie.

D'un geste vif, je plantais l'aiguille dans son bras et pressais le piston jusqu'à l'injection complète. L'innocente grimaça de douleur, elle lutta pour ne pas s'écrouler, mais en vain. À la hâte, je fouillais les placards, fourrant dans mes poches des comprimés de morphine, de l'antiseptique et un coussin hémostatique encore dans son emballage.

— Aller, me soufflais-je pour trouver le courage.

J'étais animée par cette mordacité, celle de vivre, celle de réparer mes torts, celle de me faire pardonner, celle de me venger.

Je ne crèverais pas ici !

À moitié recroquevillée, je descendais la haute marche de la camionnette. Les portes de l'hôpital se trouvaient de l'autre côté, et la route en pentes menait aux stationnements des taxis et autres véhicules de fonction. Par chance, la nuit tombée offrait moins de visibilité et surtout moins de témoins. En fait, il n'y avait personne, hormis trois médecins qui fumaient leur clope en retrait. Le pas pressé je longeais les murs, désorientée à tous les niveaux, je ne savais plus où me rendre, quelle direction choisir... Et ils ne tarderaient pas à me rattraper. Si je n'avais pas été dans un tel état, jamais ils n'auraient relâché autant leur surveillance.

Je pouvais sentir le sang ruisseler le long de ma peau alors que je dépassais une première barrière. L'air chaud de l'été avait disparu, je tremblais de froid, ou bien de détresse, difficile de savoir. Engagée à l'entrée d'un parking, chaque voiture devenait un appui essentiel, je me cachais des lampadaires, peinant à conserver toute la lucidité. Ma main poisseuse s'écrasa contre le capot d'une vieille Fiat Punto jaune poussin. Un modèle tellement dépassé qu'elle ne valait plus rien aujourd'hui, même un voleur n'en voudrait pas.

Tiens, VS, une plaque suisse ?

Les premières exclamations résonnèrent au loin. Je m'écrasais à genoux pour ne pas me faire voir. J'étais prête à me glisser sous la voiture lorsqu'un détail me frappa. Une Fiat immatriculée 97 au canton du Valais.

Un neuf et un sept...

Non, je me projetais trop loin. Je n'y croyais pas.

... ça serait dommage qu'un « pas grand-chose » te ramène une fois de plus à l'hosto.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now