Chapitre 34

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Date de rédaction : 06/05/2023

Calixte

La porte couina, tout comme les Crocs roses de l'infirmière sur les dalles de vinyles qui entra sans grande discrétion dans ma chambre. Son plateau en aluminium claqua contre le chariot de service et les ronds de rideaux crissèrent sur la tringle. La lumière du jour inonda la pièce, par réflexe je fronçais les sourcils en me détournant de la fenêtre.

— Comment vous sentez-vous aujourd'hui, monsieur...

La brune s'empara de la feuille au pied de mon lit pour mieux lire les informations et m'identifier.

— ... Wiles ?

— Mieux qu'hier, quand pourrais-je sortir ?

— Quand le médecin le décidera.

Bien sûr, trois jours que j'avais repris conscience, trois jours que l'on m'obligeait à rester cloué dans ce matelas trop mou.

L'aide-soignante, prise dans la rapidité hebdomadaire de ses rondes matinales, ne perdit pas de temps à discuter, pour elle je n'étais qu'un énième patient à inspecter, juste un parmi tous ceux dont elle avait la charge. Elle se contenta de vérifier mon état général en prenant ma température, ma pression artérielle et en inscrivant sur la feuille les résultats obtenus. Sur la table roulante avancée à ma hauteur, elle déposa le plateau contenant le petit-déjeuner, enfin si l'on pouvait le nommer comme tel : un café insipide, un bout de pain à peine décongelé, un carré de beurre, une compote, et merde ils avaient réussi à oublier la confiture, mais pas les médicaments qu'ils me forçaient à avaler trois fois par jour.

Écœuré, je m'abstenais de manger. L'infirmière quitta en coup de vent la chambre, tout en laissant la porte grande ouverte. Un soupir agacé m'échappa, je soulevais le drap pour m'en dégager, prêt à faire les cinq mètres qui me séparaient du couloir bruyant pour claquer ce satané battant et enfin avoir la paix. Mais mon corps peinait encore à répondre. Dès que je me levais, une douleur sourde et constante à la poitrine se réveillait, comme une pression, une difficulté à respirer, ainsi qu'une souffrance accrue lorsque je bougeais ou toussais. Quatre côtes brisées, ainsi qu'un hématome aussi grand que ma main sur l'omoplate gauche couverte d'une taillade suturée avec les pieds. Je réprimais un râle. Les maux de tête et nausées reprenaient, le crâne enfouit entre mes doigts, je peinais à reprendre mes esprits. Les cris, le sang, les coups de feu, et l'explosion d'une bombe artisanale ceinturée autour d'un taré, chaque détail me hantaient. Mes poumons me brûlaient encore de toute cette poussière respirée. Cette lente agonie et ce silence des plus terrifiants, j'avais vite perdu connaissance. Peut-être pour échapper à l'enfer tombé sur nos têtes. Quoi qu'il en soit, depuis mon émergence dans cet hôpital militaire tout proche de Londres, je me sentais différent. Pas dans le bon sens. N'étais-je vraiment qu'un bon à rien ? En tout cas, les échecs, je commençais à les collectionner.

— On t'a déjà dit que tu avais une chance insolente ?

Cette voix claire avait interrompu le cours de mes sombres pensées. Surpris, je relevais mon attention sur cette présence à l'entrée de la chambre. Il se tenait là, droit et fier, couvert de ce sourire réconfortant qui ne le quittait jamais.

— Archi... soupirais-je en délaissant mon trouble pour un temps.

Les traits de mon oncle prenaient forme, il portait sur ses épaules son long manteau vert kaki où figurait une ribambelle de médailles qui le récompensaient de tous ses exploits accomplis.

— Comment ça va ?

— Bien, songeais-je en m'enfermant dans un profond mensonge.

Il savait attirer les regards, il savait susciter l'admiration, mon admiration. Quoi qu'il arrive, Sir Archibald Edwin Wiles gardait constamment le dos et les épaules droites, il dégageait une allure et un charisme incomparable. Une grosse insigne décorait son uniforme, celle qui conférait à elle seule tout le respect que le monde devait à cet homme. Il s'agissait d'une croix pattée en argent, surmontée d'une couronne impériale en or. Au centre de cette croix se trouvait un médaillon circulaire émaillé en blanc, avec la représentation en or du visage de la reine Victoria entourée d'un anneau bleu avec la devise de l'ordre : TRIA JUNCTA IN UNO*. Cette médaille symbolisait l'Ordre du Bain, un ordre de chevalerie britannique fondé en 1725. Il était décerné aux personnes ayant rendu des services remarquables à l'État ou à la monarchie britannique. Cette distinction honorifique était considérée comme l'une des plus anciennes et prestigieuses des ordres de chevalerie du Royaume-Uni, et elle était accordée à des personnalités éminentes telles que des politiciens, des diplomates, des membres de la royauté ou bien des hauts gradés militaires, comme l'était Archi.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now