Chapitre 42

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Date de rédaction : 20/06/2023

Calixte

Une sonnerie des plus déplaisantes me tira hors de mon profond sommeil. J'ouvris un œil, le bras tendu vers la table de nuit, à la recherche de mon téléphone qui se déplaçait à chaque vibration. Une plainte m'échappa en découvrant le numéro affiché. Contraint de décrocher, je posais l'écran contre mon oreille avant de refermer les yeux et m'enfouir dans mon coussin.

— Tu veux quoi, Ben ?

— Calixte, t'es où ?!

— Dans mon chalet en bord de loch en train de profiter de ma mise à pied.

Sans que j'en prenne vraiment conscience, un sourire béat se faufilait sur mon visage alors que je contemplais la voleuse encore endormie. Avec ses cheveux mordorés, « belle » serait presque un euphémisme.

— Bordel... Écoute-moi bien, t'es compromis.

— Soit plus claire, murmurais-je captivé par une mèche toute douce que j'enroulais autour de mon index.

— Ton nom, il a fuité.

Sur-le-champ, je me redressais, la couverture vola et le corps d'Isis remua sous les draps. Maladroitement, j'entrais dans un caleçon, alors que d'une main je fauchais ma chemise de la veille avant de quitter la chambre et refermer en silence la porte.

— Ta ligne est sécur ? questionnais-je en me faufilant sur la terrasse.

— Oui.

— Quand est-ce arrivé ?

— Cette nuit.

Le retour à la réalité ne faisait jamais du bien, mais là, j'avais le sentiment de recevoir une vilaine claque en pleine face. Pouvait-il s'agir d'un simple hasard ? Car au fond, cela devait bien se produire un jour ou l'autre. Ou bien Price avait couru vers ses complices pour tout rapporter la nuit dernière. Non, je raisonnais avec confusion. Je ne voyais rien de logique là-dedans.

— Tu dois rentrer, Smith voudra te garder à l'œil.

Dépité, je m'appuyais sur la rambarde, les paupières closes, la tête fourrée dans une main, je réfléchissais à un moyen d'en finir au plus vite. Personne ne devait découvrir ma présence ici, et surtout pas aux côtés de la voleuse tout juste évadée d'une prison italienne.

— Ok, mais avant ça, rends-moi un service.

— Pas question ! T'as pas idée de ce que ça pourrait me couter !

— Si j'en ai bien conscience, mais avec ton aide, je gagnerai un temps précieux.

Un silence tomba au bout de la ligne. Pembrose me maudissait sans aucun doute en son for intérieur, je l'imaginais bien avachi sur son bureau, livré à un millier de doutes, déchiré entre ses principes. Mais d'autant que je le connaisse, je savais toujours de quel côté sa balance morale penchait.

— Bon tu veux quoi ?

Yes !

— Trouver Gabriela Verano, m'enquis-je en me redressant.

— Pour quoi faire ?

— Pose pas de questions, il me faut juste une adresse.

— Je t'envoie ça dès que je trouve.

À la hâte, je regagnais le salon.

— Merci Ben.

— Si on me pose des questions, je ne te couvrirais pas.

— Deux jours, accorde-moi deux jours et je serais de retour.

Encore la prolongation de ce silence. Je connaissais bien les risques encourus pour un tel manquement à son devoir. Mais savoir l'issue à portée de main m'encourageait à poursuivre, j'étais aveugle, je ne désirais qu'en finir, avec la voleuse à mes côtés.

— Tu fais chier Cal...

Ben ne me laissa pas le temps de répondre puisqu'il raccrocha sans un mot de plus. Obtenir ce bref délai ne me soulageait pas pour autant. Pendant une minute, je demeurais là, immobile, au milieu du salon, à ne plus savoir quoi faire, quoi dire, comment agir. Il me fallait remettre de l'ordre dans mes idées. Et cela commençait en regagnant ma chambre. J'attrapais un jean dans mon sac, je troquais ma chemise trop sophistiquée pour un t-shirt et à l'instant où j'attachais enfin les quelques mèches assez longues en arrière, la silhouette plongée sous la couverture remua. Ses lèvres s'étirèrent pour former un sourire exultant, jusqu'à ce que son bras ne s'étende sur la place libre pour me chercher. Mon absence la poussa à ouvrir un œil. J'approchais à pas de loup en posant un genou sur le lit afin de l'accueillir comme elle le méritait, grâce à une douce et chaleureuse étreinte. Ses mains m'attirèrent, à moitié somnolente, sa jambe enroulée autour de la mienne, Meier appuya sa tête contre ma poitrine, de là, un long soupir lui échappa.

— J'entends ton cœur... chuchota-t-elle en se blottissant contre moi.

Ça m'amusait, écouter les paroles somme toute cohérentes d'une endormie. Plus je l'observais, plus je la découvrais, chaque détail sur sa peau la rendait un peu plus authentique, comme les subtiles taches de rousseur qui constellaient ses joues. Ou encore les traits fins du tatouage présent sur le flanc gauche de ses côtes : un as de pique, de cœur, de trèfle et de carreau, une signification qui m'échappait pour l'instant. Et ses cicatrices au mollet droit que peu remarqueraient, mais je les voyais en même temps que toutes les nuances qu'Isis dissimulait. À présent, je n'avais plus le sentiment de me tenir auprès d'une impitoyable voleuse. Pour le peu de temps qu'il nous restait, c'était Isis, une femme imprévisible, courageuse, et monstrueusement séduisante.

— Le check-out est à onze heures, lui soufflais-je en caressant ses mèches.

— On n'est pas si pressé...

Mon téléphone vibra, du coin de l'œil, je devinais qu'il s'agissait encore de Ben. Il me communiquait l'adresse de Gabriela. J'étais certain qu'avec le scandale de la Scalla et l'arrestation de son époux, il ne serait pas bon pour elle de se reclure dans la maison familiale, surtout si elle dissimulait un criminel recherché comme Price nous l'avait exposé la veille.

— Un peu. J'ai localisé Reis.

— Déjà ? Comment t'as fait ?

— Tu ne crois quand même pas que je vais te révéler mes tours.

Je préférais lui épargner mon bref entretien avec Pembrose. Et je me gardais aussi de lui avouer que sa présence chassait toutes mes inquiétudes. Car oui, elles devenaient nombreuses. Risquais-je de voir débouler sous peu des fous furieux prêts à n'importe quoi pour m'exploser la cervelle ? Tous mes contacts au Moyen-Orient ne tarderont pas à me demander des comptes. Et vu comment le SRR et plus largement l'État se démerdait pour remédier à cette fuite, je ne donnais pour l'heure pas cher de ma peau.

— Bon alors, il est où ce petit con ? interrogea Meier en émergeant pour de bon.

J'attrapais mon téléphone afin de prendre en considération l'adresse, et quelque chose me disait que cela ne serait pas qu'une partie de plaisir.

— Tu sais manœuvrer un bateau ?

Un rictus malicieux étira son visage, bien sûr, pourquoi poser une telle question alors que je connaissais déjà la réponse ?

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now