Chapitre 27

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Date de rédaction : 11/04/2023

10 ans plus tôt

Visconti, un homme, vieux et riche, très riche, c'est ce qui avait attiré Domingo Aguilar à jeter son dévolu sur le multimillionnaire à la vie de solitaire. Mais cette fois-ci, il ne m'avait pas fait l'honneur de se joindre à moi, préférant envoyer ses deux meilleures — et uniques — voleuses pour effectuer la sale besogne. Quoique cela ne me déplaisait pas, la demeure était grande, perchée dans les Dolomites, loin de tout, un vrai petit coin de paradis en proie au froid.

— C'est décidé, je veux un chalet à la montagne, affirmais-je en enjambant les derniers arbustes sauvages couverts de neige avant de me retrouver au pied de la clôture qui entourait tout le domaine.

Je tendais une main à Louiza pour éviter qu'elle ne chute, mais toute fière, elle préféra refuser et me rejoindre par elle-même.

— Si les trois quarts de notre butin ne revenaient pas constamment à Dom, tu l'aurais depuis longtemps ton chalet.

Un silence pesant s'établit entre nous. Je la comprenais plus que n'importe qui, voilà cinq ans que nous collaborions avec lui. En fin de compte, la situation ne me contrariait pas, j'étais gâtée à bien des manières, billets, bijoux et baisers volés au détour d'un couloir pour ne pas que l'on nous repère. Mais Louiza paraissait se lasser de plus en plus de cette vie.

— Qu'as-tu en tête ? questionnais-je en déballant le matos de mon sac.

— As-tu vraiment envie de rentrer ?

Je pouffais devant cette question bête en enfilant mon baudrier.

— Évidemment, je pue la transpi, j'ai mal aux pieds, j'ai froid et on a encore huit heures de route pour retourner à Gérone.

Voleur, ce n'était pas que du glamour à braver les interdits et dérober beaucoup de grisbi. C'était aussi marcher pendant des heures plutôt que de prendre la voiture et risquer de se faire repérer, supporter des charges lourdes sur le dos, se tordre la cheville après une mauvaise réception, finir avec les mains toutes rugueuses à force de franchir les obstacles. Alors oui, je voulais rentrer et me reposer !

— Je te parle pas de ça. Mais notre vie d'avant me manque, tu sais quand on était que toutes les deux.

— Domingo nous traite bien, on devrait s'estimer heureuse.

D'autant plus que si nous en étions ici, c'était bien par sa faute, avec toutes ses manigances, mais ça je me gardais de le lui dire.

— On pourrait s'enfuir, changer de nom et tout recommencer à zéro.

Malgré-moi, j'esquissais un sourire en déroulant ma corde. Pour ce qui est du nom, je l'avais déjà, « Aure », il résonnait encore mieux lorsqu'il sortait de la bouche de mon amant.

— Isis, pourquoi tu ne m'écoutes pas ? Tu ne me regardes même plus dans les yeux !

Agacée, je me retournais face à Louiza, depuis le début, elle se contentait de me suivre en trainant les pieds, je faisais tout ! Je trimballais et montais le matos, prévoyais le plan, et elle ?! Madame se plaignait !

— Je te ferais remarquer qu'on est dans une situation des plus délicates, on n'a pas le temps. Quand on aura dépouillé le vieux, là on parlera.

D'un signe pour l'obligée à se reculer et quelques tours de poignets, je jetais le grappin dans les airs. Un bruit sec résonna. Elle me regardait faire. Mes doigts croquèrent la corde et je posais un premier pied contre le mur en pierres. Mes pensées s'agitaient, je ne voulais pas réfléchir à tout ce tumulte qu'elle m'imposait. Dans le fond, j'appréciais cette vie. Ce n'était sans doute pas celle dont je rêvais bien des années auparavant, mais elle me convenait. Alors pourquoi Louiza commençait-elle à tout chambouler ? Cela ne lui ressemblait pas. Elle avait changé.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Where stories live. Discover now