Chapitre 17

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Date de rédaction : 02/02/2023

12 ans plus tôt

Je pouvais l'entendre jurer entre ses dents, les phalanges blanchies autour du volant tâché de sang, elle sanglotait en silence. Les lumières défilaient à vive allure, l'aiguille sur le compteur grimpait, et la route semblait se rallonger à chaque seconde qui nous échappait. Comment aurions-nous pu prédire que la nuit se terminerait de cette manière ? Nous avions tout anticipé. Sauf le dogue Argentin...

— Je suis désolée, répétait-elle sans arrêt.

Et malgré moi je souriais, les pierres précieuses étalées dans mes mains souillées de sang, elles brillaient comme un millier de constellations. De quelle défaite parlait-elle ? Pour moi, il s'agissait d'une victoire. L'adrénaline et la richesse, quel pouvoir ! Je me sentais au sommet, indétrônable, comme si rien ne pouvait me porter plus haut.

Un coup de frein me tira hors de ma chimère et la douleur reprit bien vite le dessus. Louiza sortit de sa poche un mouchoir en papier, elle me débarrassa de notre butin en prenant soin de compter un par un pour vérifier qu'il n'en manquait aucun.

La portière de son côté claqua, rapidement, elle contourna la vieille camionnette pour m'extirper de mon siège. Ses épaules me supportaient, ma jambe droite me tiraillait, je contenais râle après râle à chacun de mes pas. Un concentré d'hémoglobine coulait le long de mon mollet, je ressentais encore les crocs suintants de cette bête, la détonation qui avait retenti lorsque ma sœur avait pressé la détente en plein dans le flanc du chien. Je ne crois pas l'avoir vu se relever, pas même un couinement, je portais encore son sang sur mon t-shirt.

Laborieusement, je grimpais les marches des grands d'escaliers éclairés par des lumières de jardin solaires. La grande villa qui constituait notre refuge, mais pour combien de temps ? Deux hommes se tenaient à l'entrée, ils nous toisaient, sans prononcer le moindre mot, sans même bouger le petit doigt.

— Tiens le coup, on arrive... m'exhorta Louiza en me poussant dans un pas supplémentaire.

Je m'appuyais au bras qui me retenait de chuter en avant. Le souffle lourd, la gorge sèche, le front perlé de sueur alors que je ne trouvais même plus la force de me plaindre.

— Bande de cons et ça vous viendrait même pas à l'idée de nous aider, cracha ma sœur en poussant la porte d'entrée.

Le couloir au plancher lustré s'ouvrit à nous, il débouchait sur la terrasse ainsi que la piscine tout au fond, et de ce même endroit Domingo apparut. Il rabattit ses longues boucles noires en arrière, replia les pans de son peignoir en satin coloré de jaune et bleu, puis écarta les bras pour nous accueillir le regard illuminé de réjouissance :

— Ah mes deux bijoux sont de retour !

Louiza ne rétorqua pas, et il ne posa aucune question quant à mon état déplorable.

— Avez-vous mes diamants ? s'enquit-il sans perdre son sourire.

— Morsure de chien, elle a besoin d'aide, s'empressa ma moitié en me soutenant tant bien que mal.

Les sourcilles de notre hôte se froncèrent.

— Mais où sont mes diamants ?

Je sentis Louiza se crisper, machinalement, elle extirpa le mouchoir en boule hors de sa poche pour le lui tendre. Satisfait, Domingo lui arracha des mains et le déplia pour contempler d'un air démangé par l'avidité les cristaux ronds et scintillants tâchés par mon sang.

— Un deux...

Trois ans que je travaillais pour son compte, et malgré tout ce temps, j'ignorais encore quoi penser de lui. Il me révulsait autant qu'il me fascinait, c'était un mystère à part entière.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang