Chapitre 6

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Le bal s'était prolongé jusque tard dans la nuit et Elena avait fini par tomber de sommeil. Elle s'était réveillée dans son lit, vêtue d'un négligé de soie crème, couverte d'un drap. Elle se souvenait qu'Elijah l'avait portée à travers le manoir Thifany mais elle ignorait s'il avait franchi le rideau rouge. Et cela l'inquiétait. Elena avait trouvé un plateau sur sa table, rempli d'un savoureux petit-déjeuner, et deux roses rouges liées par un fin ruban carmin. Elle avait dégluti, mal à l'aise : deux roses... « pardon ».

***

Lidia s'étira en bâillant, savourant la grasse matinée qu'elle venait de s'offrir. Le lendemain des bals organisés par la maison Thifany, tous leurs couturiers avaient droit à une journée entière de repos bien mérité. De toute façon, leurs patrons n'avaient généralement pas la tête à travailler après avoir festoyé toute la nuit. La jeune femme se leva, les yeux dans le vague, et mit de l'eau à chauffer dans une théière. Puis elle se lava rapidement, lorsqu'on n'a pas accès à l'eau chaude, mieux vaut ne pas traîner, et enfila une robe chaude faite des chutes de tissus qu'elle avait récupérées à l'atelier. Lidia avait choisi des chutes en coton doux et avait même réussi à récupérer de la fausse fourrure ! Elle se fit une décoction de plantes contre le rhume et s'installa à même le sol, un long morceau de tissu sur les genoux. Lidia voulait en faire une jupe brodée en patchwork qu'elle comptait offrir à sa mère. C'était elle qui lui avait appris à coudre. D'abord, pour réparer ses vêtements lorsque Lidia les déchirait en jouant, ensuite, parce que la fillette avait fini par en faire sa passion. Elle s'était toujours promis de faire de beaux vêtements à sa mère pour la remercier mais, faute de temps, Lidia n'avait jamais vraiment pu s'y mettre. Aujourd'hui, elle avait un jour de congé et n'allait certainement pas rater cette occasion en or. Une seule chose lui manquait : Lidia devrait sortir en soirée pour acheter quelques rubans et refaire son stock de fil qui s'amenuisait à vue d'œil.

- Pas grave, se dit-elle tout haut, j'ai mis assez d'argent de côté ce mois-ci, je peux bien me permettre cette dépense.

Elena avait tenu à donner une prime à toutes les couturières qu'elle avait envoyées livrer les commandes en urgence juste avant le bal d'automne. Cet argent supplémentaire allait aider Lidia à mener son projet à bien sans dépasser son strict budget mensuel. Obnubilée par sa tâche, la jeune couturière ne se rendit pas compte qu'elle avait travaillée plus de cinq heures sans faire de pause déjeuner, ni de pause « tout court » d'ailleurs ! Lorsqu'un rayon de soleil orangé traversa sa minuscule lucarne, Lidia sursauta et bondit sur ses pieds.

- Oh non, les boutiques vont fermer !

Elle sortit en hâte, sans oublier son sac et son argent, et se précipita dans le boulevard, encore animée, où les commerçants verrouillaient peu à peu leurs commerces. Lidia soupira de soulagement en repérant la boutique qu'elle visait, et qui était heureusement toujours ouverte. Elle poussa la porte vitrée et une clochette teinta.

- Désolé, on va fermer, lança un homme d'une vingtaine d'années, le nez rivé sur un livre de comptes posé sur le comptoir.

- Oh, s'il vous plait, supplia Lidia, ça ne prendra qu'une minute, je sais exactement ce qu'il me faut.

Le jeune homme blond leva les yeux, visiblement prêt à la renvoyer mais s'arrêta net. Il toisa Lidia de la tête aux pieds, puis contourna le comptoir pour la rejoindre à l'entrée, un sourire malicieux sur les lèvres.

- En temps normal, je vous aurais sommée de revenir demain... mais on ne refuse pas un service aussi insignifiant à une si belle paire d'yeux...

Il fit un geste circulaire de la main en direction de ses marchandises et déclara d'un ton solennel :

Thifany- le sort d'une dynastieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant