Chapitre 12

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Lidia et Tristam s'étaient donné rendez-vous devant la fontaine, sur la place où ils s'étaient embrassés la dernière fois. La jeune femme attendait, enroulée dans sa cape, et observait le ciel grisonnant.

- On dirait que la neige ne va plus tarder.

Elle sursauta en reconnaissant Tristam qui venait d'apparaître près d'elle.

 -Je t'ai fait peur, Milady ?

- Un peu, oui, mais j'étais perdue dans mes pensées.

 -Comment tu vas ?

Ils marchèrent côte à côte pendant longtemps, flânant dans les rues animées d'Helldenheim malgré l'heure tardive.

- Tu sais, lança Tristam, je pense que mon père pourra se passer de moi pendant un moment... On pourrait passer plus de temps ensemble, qu'en dis-tu ?

Le cœur de Lidia fit un bond dans sa poitrine. Tristam voulait apprendre à la connaitre !

- Ce serait merveilleux, répondit-elle, mais...

Quelque chose venait ternir ce tableau parfait : Lidia travaillait à plein temps pour les Thifany et les jours de congés étaient rares. Enfin... elle n'avait jamais essayé d'en obtenir. La jeune femme inspira profondément et se tourna vers Tristam.

- Je pense pouvoir régler la question des horaires de travail.

- Et je suis persuadé que tu y arriveras !

Espérons, pensa Lidia. Elle se montrait optimiste mais au fond, elle n'en menait pas large. Le bal d'hiver était proche et les commandes affluaient de toutes part depuis que la nouvelle collection avait été dévoilée au grand public. Malgré la bonté naturelle de sa patronne, il y avait peu de chances pour qu'elle lui accorde le moindre jour de congé en cette période de l'année.

***

Elijah passait entre les ateliers, jugeant les créations de ses couturiers, tous plantés au garde-à-vous à côté de leurs œuvres. Elena avait su trouver ses vingt pièces signature pour le bal, Elijah n'en possédait qu'une : la sienne. Chaque collection se composait de quarante pièces, vingt pour les messieurs, vingt pour les dames, dont deux mises en avant pour leur beauté et leur complexité. Cet hiver, c'est une couturière nommée Zélie Jallerat qui s'était vue accorder l'honneur de voir sa création désignée comme joyau de la collection hiver pour les dames. Les commandes affluaient de toutes parts et l'équipe d'Elena ne savait plus où donner de la tête. Les couturiers d'Elijah... étaient visiblement en panne d'inspiration, ce qui agaçait prodigieusement leur patron. Ce dernier avançait dans l'allée centrale, avare en commentaires et encore plus en compliments. Lorsqu'il passa devant un costume bleu nuit brodé au fil d'or, il ne lui lança pas un seul regard.

- Aucune créativité.

Le massacre se poursuivit lentement tandis que les pauvres couturiers retenaient leur souffle.

- Vous êtes viré, Henri.

Le couturier désigné baissa la tête, attrapa son manteau de laine et sortit de l'atelier en silence pour ne plus jamais y revenir. L'annonce avait sonné comme un glas et avait jeté un froid polaire sur l'ambiance, déjà pas bien chaleureuse. Il était rare qu'Elijah licencie l'un de ses couturiers. Cela ne s'était produit que trois fois depuis son accession à la tête de l'entreprise familiale. Mais aujourd'hui, Elijah avait envie de remercier tout le monde et de partir loin d'Helldenheim avec sa femme. Il avait l'impression que cette ville de malheur les éloignait l'un de l'autre, de l'essentiel. Une servante se glissa timidement par la porte de l'atelier et l'approcha comme une souris veille à ne pas réveiller un chat. Elle lui tendit une feuille de papier pliée en trois et fermée avec un cachet de cire. Elijah sut que sa femme en était l'auteure et remercia la servante avec un sourire avant de s'adresser à ses couturiers d'une voix ferme :

Thifany- le sort d'une dynastieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant