Chapitre 44

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Les jours s'écoulaient bien trop lentement au goût d'Elena qui attendait avec impatience la naissance de son bébé. Même si les premiers signes de sa grossesse n'étaient pas encore visibles sur elle, il était facile de la deviner lorsqu'on se rendait à l'étage. Elijah n'était jamais très loin de sa femme et accourait à la moindre de ses exclamations.

- Du calme, finit-elle par dire au bout de la sixième fois, je vais bien.

- Je veux juste être sûr que vous êtes en sécurité, le bébé et toi.

- Le bébé va très bien... pour ce qui est d'être perturbé, c'est plutôt le papa qui m'inquiète.

Elijah la saisit par la taille et l'embrassa passionnément. Il ne se détacha d'elle qu'au bout d'une longue minute. Elena peinait à reprendre son souffle tandis que son mari la serrait un peu plus fort dans ses bras, comme s'il craignait qu'un malheur ne lui arrive. Comment aurait-elle pu lui en vouloir ? Elijah faisait en sorte qu'elle se sente en sécurité, protégée et surtout : aimée. Les deux ans de malheur, de peur et de souffrance commençaient à s'estomper de la mémoire de la jeune femme qui découvrait enfin les joies de la vie à deux. Le couple s'était construit un petit monde rien qu'à eux et y préparaient une place pour leur enfant. Au fond d'elle, Elena avait l'impression de vivre une des romances qu'elle aimait tant lire, à la différence que tout ce qui lui arrivait était bien réel.

***

Les triplés étaient retournés à l'école le plus tôt possible. Dès leur deuxième journée à Faray, Lidia et sa mère les avaient envoyés à l'école du village. Les garçons n'avaient pas rechigné et étaient partis d'un bon pas. Une heure après leur départ, Lidia revint du marché, où elle avait eu la satisfaction de ne pas y croiser Jenco, et commença à préparer le déjeuner. Les journées s'enchainaient comme au temps où Lidia rêvait de partir à Helldenheim pour faire ses preuves en tant que couturière : corvées, corvées et... encore des corvées. Si peu de loisir lorsqu'on est pauvre, tant d'insouciance quand on est riche. Lidia avait connu les deux situations mais elle ne saurait dire laquelle est la meilleure. Les triplés rentrèrent à la nuit tombée, trempés jusqu'aux os et de la boue jusqu'aux genoux. Léo avait un coude égratigné et Joseph un bel œil au beurre noir.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, demanda Lidia d'un ton plus dur qu'elle ne l'aurait voulu.

- On ne s'est pas battus, commença Joseph, enfin... si, moi je me suis battu mais c'était pour défendre Maxence et Léo.

- Ils étaient quatre et avaient deux ans de plus.

- Ils nous ont traités de bourgeois et ils nous ont jetés dans la boue avant de nous frapper.

Lidia soupira. Elle avait anticipé cette réaction de la part des enfants natifs de Faray mais elle ne s'était pas imaginée qu'ils passeraient à l'action dès le premier jour.

- Bon, dit-elle d'une voix plus douce, allez prendre un bain et laissez vos vêtements par terre, je vais m'en occuper. Ensuite, vous ferez vous devoirs et si vous n'en avez pas, vous aiderez Tata pour préparer le dîner.

« Tata » désignait Danielle, que les triplés avaient surnommée ainsi aussitôt qu'ils eurent fait connaissance. Cette dernière en avait été ravie, estimant que « Tata » la rajeunissait de dix ans. Lidia s'en moquait mais était tout de même contente que sa mère ait pris le trio en affection. La jeune femme récupéra les habits couverts de boue des enfants et sortit pour les nettoyer. Elle croisa deux autres lavandières qui quittaient le lavoir en papotant, bien qu'elles se turent lorsque Lidia passa. La jeune femme se moquait royalement de ce que les gens pensaient d'elle. En revanche, ceux qui s'en prennent ou s'en prendront aux triplés subiront sa colère. Des pas résonnèrent sur le sol en pierre jonché de paille du lavoir. Lidia les ignora de son mieux et continua sa tâche. L'eau était glacée et rougissait ses doigts endoloris par le froid et le frottement du tissu contre la roche.

- Ta vie serait tellement plus douce si tu me laissais une chance.

Jenco...

Lidia attrapa quelques morceaux de saponaire et fit mousser le linge qu'elle nettoyait.

- C'est toi qui as demandé à ce groupe d'enfant de battre les miens ?

- Oh Lidia... je me sens insulté. Penses-tu vraiment que je m'autoriserais de telles bassesses ?

La jeune femme se stoppa net, releva la tête vers Jenco qui s'était assis sur le rebord du bassin en pierre, à quelques centimètres d'elle, et eut soudain l'envie d'asperger d'eau son postérieur.

- Si je te pose la question, répondit-elle sèchement, c'est sans doute que, oui, je t'en crois capable. D'ailleurs ta simple présence ici me prouve que c'est toi le responsable de cette attaque. Je ne vais au lavoir que le vendredi, et nous sommes mardi. Personne n'aurait pu savoir que je m'y rendrais ce soir à part celui ou celle qui sait que je vais avoir du linge à laver en urgence.

Elle donna un grand coup dans l'eau et la vague provoquée atteignit l'arrière-train de l'intrus qui se releva précipitamment en pestant dans sa barbe, des mots peu recommandables.

- Oups... Désolée. Je n'ai vraiment pas fait exprès...

- TU...

- J'en ai vu passer, Jenco. Des hommes comme toi, j'en ai vu à la pelle. Mon mari en est un d'ailleurs. Et si je suis partie, si j'ai choisi de le fuir en sachant que mon bébé ne connaitrait jamais son père, ce n'est certainement pas pour me vautrer dans les bras de son clone, une fois rentrée chez moi.

Sur ce, elle jeta son linge enfin propre dans son panier et quitta le lavoir d'un pas rapide, presque furibond. Si Jenco ne la laissait pas tranquille, elle allait finir par commettre un meurtre.

***

Naïna et William avaient fait leur bagages et avaient pris un train pour rendre visite à leur fils et leur belle-fille. Elena hurla de joie en entendant la voix de sa belle-mère résonner dans l'immense hall d'entrée et dévala les escaliers en trombe, suivie de Nelia qui avait du mal à tenir la cadence, et de Zireg qui lui criait, en vain, qu'Elijah ne serait pas du tout content d'apprendre qu'elle avait couru. La jeune femme n'en avait cure et se jeta dans les bras de Naïna.

- Tu m'as tellement manquée !

- Toi aussi ma belle Elena.

La jeune femme rayonnait dans sa belle robe blanc cassé et turquoise. Elle embrassa William sur la joue et mena le couple jusqu'au grand salon où Hélios et Phébé chantaient gaiement. Elena missionna Nelia pour demander à l'une des deux cuisinières d'aller préparer une chambre pour les parents d'Elijah. La fillette y courut et revint quelques instants plus tard, ses petits bras frêles chargés d'un imposant plateau rempli de rafraîchissements dont Elena s'empressa de la délester. Nelia hésita un instant, ne sachant si elle pouvait agir comme d'habitude mais la jeune femme coupa court à ses questionnements en l'invitant à s'asseoir à côté d'elle. Elena lui servit un verre de jus d'ananas et en offrit à ses beaux-parents tout en bavardant, le sourire aux lèvres. Quand Elijah rentra, il eut la surprise de trouver sa femme dans le grand salon, en compagnie de ses parents, qui ne l'avaient évidemment pas prévenu de leur arrivée. Après de joyeuses retrouvailles, le petit groupe passa à table. Nelia commençait à apprécier la vie aux côtés d'Elena et de son mari. Elle avait l'impression d'avoir une maman lorsqu'Elena passait du temps avec elle, ce qui arrivait très souvent. Indy, à qui on n'avait rien demandé, sauta sur les genoux de la fillette, sachant à qui s'adresser pour avoir un morceau de poulet auquel il n'avait normalement pas le droit. Nelia posa le chien par terre et lui glissa discrètement un bout de son poulet sous la table.

- Nelia, lança Elijah, j'espère que tu n'es pas en train de nourrir ce chien.

- Non M'sieur !

La fillette s'étaitredressée si vite que tout le monde éclata de rire devant son air coupable.Indy jappa sous la table, comme pour la dénoncer, et les rires reprirent deplus belle. 

Thifany- le sort d'une dynastieWhere stories live. Discover now