Chapitre 19

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- Ce sera sans doute la dernière fois que tu les verras d'aussi près mais...

- Tu plaisantes ? C'est un rêve de gamin qui va se réaliser ! Alors tant mieux si c'est la seule et unique fois que je les vois : ce sera un précieux souvenir.

Lidia sourit. Quand Elena leur avait annoncé qu'elles pouvaient venir accompagnées au bal d'hiver, elle avait tout de suite pensé à Tristam. Son fiancé avait littéralement bondi de joie lorsqu'elle lui avait proposé de se joindre à elle. Leurs projets d'avenir devenaient plus concrets, plus proches d'eux qu'auparavant, et le couple était impatient de découvrir leur futur côte à côte. Ils voulaient voyager, créer leur propre label, et apprendre ensemble de nouvelles choses. Pour Tristam et Lidia, peut importait où la vie les emporteraient, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, pourvu qu'ils affrontent l'avenir épaule contre épaule, à jamais.

***

William enjamba les paquets et les malles éparpillées sur le sol avec un pincement au cœur. Il avait grandi dans ce manoir, il y s'y était marié, y avait vu son unique enfant naitre, puis s'épanouir dans cet environnement... tant de souvenirs si chers qu'il emporterait avec lui dans sa nouvelle vie, au sud. William et Naïna s'étaient réjouis d'apprendre qu'Elena et Elijah avaient choisi de partir dans les pays chauds, eux aussi, mais leur joie avait été douché lorsque leur fils leur avait annoncé qu'Elena avait choisi de vivre dans une de leur villa... qui se situait dans le pays complètement opposé. Elijah et sa femme partiraient à l'ouest, Naïna et William, à l'est. Les parents Thifany avaient décidé ensemble de quitter le manoir plus tôt pour laisser leur fils et leur belle-fille vivre leur vie et faire leurs choix sans qu'ils ne se sentent obligés de compter pour quatre. Ainsi, ils partiraient le lendemain, avant l'aube, pour un long voyage vers une vie paisible. Ce soir, ils dîneraient tous ensemble dans la grande salle à manger où tant de disputes avaient eu lieu. Quand William entra, il surprit sa femme qui sursauta avant de le rejoindre en riant. Quelques mèches rousses s'échappaient de son chignon et venaient chatouiller sa nuque fine et gracieuse. Naïna portait une belle robe rouge, la couleur favorite de son mari, et un collier de rubis que ce dernier lui avait offert, dix ans auparavant, pour leur anniversaire de mariage. Elena entra à son tour dans la pièce et s'arrêta net peu après avoir franchi le seuil de la porte. Naïna se tourna vers elle, puis elles éclatèrent de rire en chœur en s'apercevant qu'elles avaient toutes deux choisi la même couleur. Quand Elijah arriva, il vit sa mère et sa femme tordues de rire, son père qui souriait bêtement et un serveur qui faisait trois pas en avant, trois pas en arrière, sans trop savoir où se mettre.

- Je me doute de la raison pour laquelle vous riez autant, commença-t-il avec le sourire aux lèvres en laissant volontairement sa phrase en suspens.

- Nous n'en avions même pas discuté avant, expliqua Naïna entre deux éclats de rire.

Une fois calmées, Elena et Naïna s'assirent à côté de leurs maris et les serveurs comprirent que le moment du service était venu. L'ambiance était assez étrange, à la fois joyeuse et triste, teintée d'une note mélancolique et attristé. Les filles passaient du rire aux larmes en un clin d'œil tandis que leurs maris, impassibles, avaient revêtu leur masque de fer, emprisonnant leurs émotions comme ils savaient si bien le faire. Lorsque le dessert arriva, chacun mit plus de temps que nécessaire pour le finir, retardant l'inévitable moment où ils devraient se lever et se dire au revoir. Une heure passa, puis deux, enfin, minuit sonna et William décida de prendre les devants, sinon le soleil se lèverait, qu'aucun d'eux n'aurait osé bouger de son siège. Il étreignit son fils avec force et une larme solitaire roula sur sa joue. Naïna et Elena se séparèrent également, puis William déposa un baiser sur la main de sa belle-fille qui contenait difficilement ses larmes. Les deux couples se séparèrent en haut de l'escalier et partirent chacun de leur côté, le cœur lourd.

***

Cela faisait une semaine que William et Naïna avaient quitté Helldenheim et le bal d'hiver aurait lieu dans deux jours. Le manoir était en effervescence constante : les serviteurs couraient à droite et à gauche pour préparer le départ de leurs employeurs ainsi que leur dernière réception tandis que les couturière piaillaient en travaillant, chacune y allant de son commentaire sur les fameux accompagnants qui viendraient avec elles au bal. Elena quitta brusquement l'atelier, slaloma entre les servantes et les malles de vêtements, avant de s'enfermer dans sa chambre, seule pièce du manoir à l'abris de l'agitation incessante qui dominait le domaine. Elle s'affala sur le lit à baldaquin aux draps crème en soupirant bruyamment. On frappa à la porte, mais elle ne répondit pas, persuadée que sa femme de chambre allait encore lui demander où ranger tel ou tel objet. Le battant grinça légèrement et des pas feutrés s'élevèrent dans la pièce. Le matelas s'affaissa et une main chaude se glissa sur la peau nue de son bras. Elena se retourna doucement et découvrit son mari, assis à côté d'elle, qui la regardait.

- Je t'ai réveillée, demanda-t-il lorsque leurs regards se croisèrent.

Elle secoua la tête et se rallongea en fermant les yeux. Elijah se coucha à ses côtés, passa un bras autour de sa taille et lui prit la main.

- Il y a trop de bruit dehors, murmura sa femme d'une voix visiblement épuisée, je voulais juste un peu de calme.

- Tu préfères être seule ?

- Non, s'exclama-t-elle en se redressant, je...

Elle baissa les yeux, sans trop savoir ce qu'elle s'apprêtait à dire. Elijah glissa une main sous son menton pour l'obliger à relever la tête et à le regarder. Il s'approcha d'elle lentement et lui embrassa la joue, puis la mâchoire avant de s'aventurer jusqu'à la commissure de ses lèvres. Elena frissonna et se recula légèrement, surprise. Elle le fixa avec les yeux brillants avec, dans son regard, une étincelle à la fois curieuse et incertaine qui ne demandait qu'à être attisée. Elijah enlaça sa femme et la serra contre lui pendant un long moment avant de se détacher d'elle et de glisser une main sur sa joue.

- Je peux ?

Elena sentit son ventre se crisper. Mais cette fois, il ne s'agissait pas de peur, non, c'était... autre chose. Quelque chose d'étrange, et, curieusement, de plutôt agréable. Elle hocha prudemment la tête, tremblante et indécise. Elijah s'approcha d'elle et effleura ses lèvres avec les siennes avant de la prendre dans ses bras pour approfondir leur baiser. Elena sentit la peur grandir dans son corps à l'instant même où il l'avait touchée mais au moment où elle allait le repousser, il s'écarta et prit son visage en coupe.

- Ne crains rien, ma chérie. Je ne te ferais pas de mal.

La jeune femme tremblait comme une feuille morte, partagée entre la terreur et une sensation nouvelle.

- Tout va bien, Elena.

Elijah s'approcha d'elleà nouveau et l'embrassa une seconde fois, tendrement. Il sentit la jeune femmepasser par toutes les émotions possibles : de la peur à l'envie, de latristesse à la curiosité... Puis, d'un coup, Elena parvint à identifier cetteétrange chaleur qui irradiait son bas-ventre depuis quelques minutes. Vintalors le déni, puis la colère, et... La jeune femme se détendit lentement etlaissa son mari la guider. Elle glissa une main timide dans ses cheveux noirsde jais et se cambra en sentant une paume ferme et douce se placer au creux deses reins. Elijah mesurait sa chance de pouvoir repartir de zéro après laterrible erreur qui avait failli les séparer à jamais. Sa belle épousedécouvrait enfin la tendresse et l'affection qu'il aurait dû lui offrir dès lepremier soir. Il sentait sa curiosité et sa timidité se traduire par ses gestesincertains. Elijah avait hâte de briser cette réticence pour qu'Elena se senteen sécurité et en droit de le toucher. Il rompit leur baiser avec douceur ets'allongea en l'entrainant avec lui. Elena se blottit dans ses bras et fermales yeux, la respiration emballée. Elle ne comprenait pas comment un simplebaiser pouvait faire naître des sensations aussi puissantes et elle avaitl'impression de franchir une ligne rouge, de braver un interdit. A force de setorturer l'esprit avec des questions sans réponses, Elena finit par s'endormir,allongée contre son mari en qui, étrangement, elle commençait à avoirconfiance. 

Thifany- le sort d'une dynastieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant