Chapitre 23

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Lidia et Tristam quittèrent le manoir Thifany tard dans la nuit, suivis des autres convives courageux qui avaient eu la force de rester danser jusqu'à trois heures du matin. Le couple avait des étoiles plein les yeux et des rêves qui prenaient lentement forme dans leur esprit. Tristam raccompagna sa fiancée chez elle avant de regagner la maison de ses parents. Il fut surpris de trouver sa mère endormie sur la table, en chemise de nuit, une bougie éteinte non loin de sa main étendue sur le bois inconfortable.

- Maman, murmura-t-il en se glissant derrière elle, est-ce que ça va ?

Marie se réveilla d'un coup et agrippa les bras de son fils, les yeux larmoyants. Tristam la serra contre lui tandis que sa mère éclatait en sanglots silencieux. Tristam vit alors Joseph, un de ses trois petits-frères, qui passa la tête dans l'encadrement de la porte avant de le rejoindre dans la pièce, suivi de Léo et de Maxence. Les trois petits monstres se montraient étrangement sages et Tristam sut que quelque chose de grave était arrivé en son absence. Joseph craqua une allumette et ralluma la bougie qui dormait sur la table. Son grand-frère découvrit un véritable chantier : il y avait des bouteilles brisées au sol, du verre partout sur la moquette et des tâches de bières et de soupe. Etonné par la présence de sa mère dans la pièce, Tristam n'avait pas prêté attention à l'odeur entêtante de l'alcool qui saturait la salle à manger. Les restes d'une assiette en céramique se mêlaient aux bouteilles en verre explosées par terre. Un détail retint l'attention du jeune homme : le tisonnier, habituellement rangé à son crochet, se trouvait non loin de la cheminée, au sol, parmi les débris de verre et de céramique. Tristam jeta un regard interrogateur à ses frères qui désignèrent immédiatement leur mère des yeux.

- Sur le dos et les jambes, précisa Léo d'une petite voix.

- Que s'est-il passé ?

Joseph et Maxence se regardèrent penaud.

- C'est de notre faute, commença Maxence en fuyant les yeux de son grand-frère, on a fait trop de bêtises et papa s'est fâché.

Tristam ne pouvait pas croire que son père se mette aussi en colère pour de simple bêtises d'enfant. La seule chose qui pouvait le rendre aussi furieux, c'était lui et l'amour qu'il portait à Lidia.

- Vous n'auriez pas parlé de Lidia pendant le repas, par hasard ?

- Euh..., réfléchit Léo, en fait c'est papa qui a lancé le sujet, pas nous.

- Il a été méchant, continua Joseph, il a dit que Lidia était une pauvre fille qui dormait dans la rue et qui faisait le trottoir pour arrondir sa paye.

- Et vous avez répliqué, conclut Tristam.

Les triplés hochèrent la tête.

- On n'allait pas le laisser dire de mal de Lily.

- Tristam...

Le jeune homme et ses frères rivèrent leurs regards sur leur mère qui se redressait péniblement sur sa chaise.

- Ce n'est pas de leur faute. Je... c'est moi qui vous ai défendus.

- Maman, qu'est-ce qui t'as pris ? Tu sais très bien que papa se met en colère pour un oui ou pour un non.

- Je sais mais... j'en avais marre de l'entendre dire de telles choses. Il était saoul et...

- En plus, marmonna Tristam, tu prends des risques maman. Tu as trois fils qui ont besoin de toi. Je ne peux pas partir avec Lidia en sachant que je risque de les voir frapper à notre porte un soir pour m'annoncer que papa t'as...

- Chuuut, je vais bien, fils. J'ai la tête dure, tu sais.

- Ce n'est pas vraiment ta tête qui m'inquiète... Il t'a battue ?

- Oui.

Tristam serra les poings pour se retenir de faire une regrettable erreur. Son père était au lit, en train de décuver, tandis que sa mère devait se contenter d'une table et d'une chaise afin de fuir sa colère. Roger n'avait encore jamais levé la main sur sa femme. Mais une fois était déjà de trop. Pour l'instant, Tristam ne pouvait rien faire de concret pour sa mère. Il devait se montrer patient et maitriser colère et rancune afin de n'en rien laisser paraître demain matin. Le jeune homme aida sa mère à se lever puis la soutint jusqu'à sa chambre.

- Papa se lèvera sans doute vers dix-heures demain, murmura-t-il en couvrant sa mère avec la couverture, s'il se réveille avant je l'occuperais et Maxence viendra te réveiller pour qu'il croit que tu as passé la nuit avec lui, comme d'habitude, d'accord ?

Marie hocha la tête et ferma les yeux avant de s'endormir. Tristam accompagna ses frères dans la chambres qu'ils partageaient tous les trois et ferma la porte. Quand ils se retourna, il fut surpris de voir que les triplés lui avaient aménagé une place.

- Merci les garçons.

- Non, murmura Léo, c'est à nous de te dire merci. Sans toi, on n'aurait jamais su quoi faire pour maman.

Tristam sourit et s'assit en tailleur, face aux triplés.

- Demain matin, on devra faire comme s'il ne s'était rien passé, à une exception près.

- Laquelle ?

- On va laisser maman dormir et c'est nous qui allons nettoyer tous le bazar dans la salle à manger.

Etonnamment, les garçons acquiescèrent sur-le-champ.

- Ensuite, poursuivit Tristam, on s'arrangera pour que papa ne boive pas une seule goutte d'alcool et on trouvera un moyen de l'occuper pour emmener maman chez le médecin.

- On va porter plainte ?

L'innocence de ses frères tira un rire nerveux à Tristam.

- Même si on y allait, personne ne réagirait.

- Pourquoi ?

- C'est injuste !

- Je sais, je sais, mais on peut s'indigner autant qu'on le souhaite, ça ne changera rien. Alors je ne vous demanderai qu'une seule chose.

Les triplés buvaient les paroles de leur grand-frère, attentifs.

- Si jamais ça se reproduit, vous venez me trouver sans attendre, vu ?

Ils hochèrent la tête, les sourcils froncés et la mine sérieuse.

***

Quelques rues plus loin, au même moment, Lidia se retenait de crier de joie. En entrant chez elle, elle avait trouvé un paquet enrubanné sur sa minuscule table bancale. Un paquet du même genre que ceux qu'utilisaient les Thifany pour livrer les commandes de leurs clients, avec, sur le couvercle, un M et un T entrelacés... le logo du label Thifany. Lidia avait retiré le ruban rose qui fermait la boîte avec émotion et l'avait ouverte. Sur le fin papier blanc qui protégeait le contenu, elle avait trouvé un petit carton portant, lui aussi, le logo de la maison Thifany.

Ma chère Lidia,

Je suis heureuse de t'avoir rencontré et je te souhaite tout le bonheur du monde.

J'espère que ceci pourra t'aider à te sentir toi-même le jour J...

Affectueusement,

Elena Thifany.

Les mains tremblantes, Lidia enleva le papier et sortit de la boîte une robe magnifique, brodée au fil d'or, faite de soie et de coton, puis un voile et un châle transparents. Le tout, aussi pur et blanc que la neige qui recouvraient la ville...

Thifany- le sort d'une dynastieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant