Thifany- le sort d'une dynastie

Chapitre 8

Elena ouvrit paresseusement les yeux, réveillée par un petit rayon de soleil qui s'était faufilé entre les lourds rideaux de la chambre. Elle fronça les sourcils, puis se redressa d'un bond en se rappelant où elle se trouvait. Une main se glissa sur son bras et la fit frissonner.

— Bonjour mon cœur.

Elena déglutit, mal à l'aise, en se souvenant de chaque détail de la veille. Elle se revoyait quitter ses appartements pour rejoindre ceux d'Elijah, les regards étonnés que lui avaient lancé les serviteurs du manoir pesaient encore sur ses fines épaules et elle se remémorait, émue, chaque mot prononcé par son mari pour la rassurer. Elijah ne voulait pas savoir ce qui avait poussé sa femme à le rejoindre. Tout ce qui comptait, c'était qu'elle soit là, près de lui. Elle lui avait offert un fragment de sa confiance qu'il avait perdue dès le premier soir, et, cette fois, il se promit de chérir cet instant à tout jamais. Il l'aimait plus que tout au monde et les efforts qu'Elena avait fournis pour le rejoindre étaient un cadeau inestimable. Elle ramena ses genoux sous son menton en fixant le mur droit devant elle. On frappa à la porte, et une femme de chambre pénétra dans la pièce, un plateau chargé dans les mains. Elle le posa sur une table sans mot dire et sourit chaleureusement à Elena lorsqu'elle referma la porte.

— Tu as faim ?

Elena hocha doucement la tête. Ce mouvement fit glisser ses longs cheveux blonds sur son épaule et Elijah résista à l'envie de les replacer dans son dos. Il se leva pour juguler son désir de la toucher et s'installa à table, les yeux rivés sur sa femme qui n'avait pas bougé d'un poil.

- Viens, Elena. N'aie pas peur.

Elle déglutit et le rejoignit timidement, sans jamais croiser son regard, ses mains délicates serrant les pans de son peignoir de soie. Son mari déposa une tasse fumante devant elle. Lorsqu'elle reconnut sa boisson préférée, Elena releva enfin les yeux vers lui et lui offrit l'esquisse d'un sourire.

- Sers-toi ma chérie, vas-y !

Il lui souriait en la fixant d'un air protecteur. Elena était déstabilisée : elle pensait faire une grave erreur en le rejoignant dans leur chambre, mais au lieu de retrouver l'homme intransigeant et cruel de leur première nuit ensemble, elle avait découvert un mari doux et respectueux... comme le prince charmant qui la faisait rêver, enfant. Elle sentait qu'il était sincère, Elijah ne lui avait jamais menti et c'est une chose qu'elle avait toujours aimé chez lui, même lorsqu'elle faisait la liste de ses défauts pour mieux le haïr ensuite.

***

Lidia fonçait vers l'imposant manoir en frissonnant sous son manteau de laine. Les températures avaient chuté, rendant son trajet matinal difficile. Bientôt, il neigerait et Lidia se demandait tous les jours comment elle allait se débrouiller pour arriver saine et sauve sur son lieu de travail. Les grandes portes du manoir s'ouvrirent après qu'elle eut frappé et on lui donna une tasse fumante, remplie d'une décoction de plantes pour lutter contre le froid. La jeune femme rejoignit son poste en soupirant d'aise : la tisane l'avait réchauffée et elle se sentait d'attaque. L'effervescence qui régnait auparavant dans l'atelier lors des préparatifs pour le bal d'automne était retombée mais les couturières savaient que cela ne durerait pas longtemps. Lidia termina la robe sur laquelle elle travaillait la veille et l'emballa. Le tintement des ciseaux mêlé au son régulier et entêtant des machines à coudre lui donnaient le tournis. Elle leva les yeux vers l'étage supérieur, là où se trouvait le bureau au murs de verre d'Elena. Lidia fut surprise de ne pas l'y voir, car habituellement, sa patronne les observait longuement, une expression indéchiffrable sur son visage de porcelaine. Secrètement, Lidia rêvait de lui ressembler.

A midi, les ouvrières quittèrent leur poste pour déjeuner et Elena ne s'était toujours pas montrée. Lidia fronça les sourcils en le constatant et rejoignit discrètement Maggie.