Chapitre 10

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Lidia rejeta rageusement sa couverture plus fine que du papier et s'habilla en bougonnant. Elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit et se sentait épuisée. Elle avala une tisane brûlante avant de se mettre en route pour le manoir. Elle traversa le boulevard en trombe, non sans jeter un coup d'œil à la boutique familiale de Tristam, et marcha d'un bon pas jusqu'à son lieu de travail. Etrangement, tous les couturiers étaient réunis à l'extérieur. Lidia s'approcha de sa collègue et lui demanda :

- Que se passe-t-il ?

- Les portes sont fermées, répondit Zélie, personne ne sait pourquoi.

- A-t-on essayé la petite porte réservée aux employées de nuit ?

- Oui, nous sommes coincés. C'est étrange... Maggie dit que ça n'était jamais arrivé.

***

Elle dormait si paisiblement qu'Elijah n'osait pas bouger de peur de la réveiller. Dos à lui, les mains serrées en poing et ramenées vers son visage, Elena était adorable. Son mari la contemplait depuis plus d'une heure, sans se lasser de la vision angélique que la jeune femme lui offrait à son insu. Un petit coup frappé à la porte de la chambre interrompit quelques pensées osées et une servante glissa sa tête dans l'ouverture de la porte.

- Monsieur, murmura-t-elle, les employés attendent à la porte.

- Ouvrez-leur, répondit-il mi-énervé mi-exaspéré, et qu'on ne nous dérange plus.

- Bien Monsieur.

Elena remua doucement dans ses bras et Elijah reporta toute son attention sur sa femme. Elle n'allait plus tarder à se réveiller et il voulait profiter encore un peu de ce magnifique tableau. La jeune femme ouvrit un œil fatigué, puis l'autre avant d'enfouir sa tête dans son coussin en soupirant. Elijah s'approcha prudemment d'elle et déposa un minuscule baiser sur l'épaule nue de son épouse. Elle releva précipitamment la tête et le fixa d'un air perdu, les yeux brillants de peur. Son mari comprit qu'elle avait oublié où elle se trouvait.

- Tu as bien dormi, mon cœur ?

La jeune femme hocha la tête, complètement désorientée et apeurée. Ses lèvres roses et pleines tremblaient vivement et Elijah constata avec peine qu'elle était à deux doigts de pleurer.

- Tout va bien Elena, tu es en sécurité. Ne t'inquiète pas ma chérie.

Il regarda son épouse se passer une main dans ses longs cheveux blonds et quitter leur lit avec empressement. Elle enfila un peignoir de soie et attrapa le chiot qui jappait à ses pieds, content de la retrouver.

- Elena !

Elle quitta la chambre d'un pas rapide, affolée, en serrant la boule de poils contre son cœur. Elena se retourna d'un coup, sans cesser de marcher, et constata avec un grand soulagement que son mari ne la suivait pas. La jeune femme regagna ses quartiers et se jeta sur son lit froid en laissant enfin éclater ses larmes. Indy chouina en lui léchant la joue, sensible aux émotions de sa maitresse.

- Oh Indy, gémit Elena, mais qu'est-ce qui m'est arrivé ? Pourquoi je me mets à lui faire confiance ?

Evidemment, le petit épagneul nain n'avait pas les réponses à ces étranges questions. Quand bien même les aurait-il eues, il n'aurait pas pu les lui donner. Une femme de chambre entra dans la pièce en silence et se dirigea vers la salle de bain. Elena s'y rendit quelques instants plus tard et découvrit, surprise, qu'on lui avait préparé un bain alors qu'elle n'avait rien demandé. Une douce odeur de lavande emplissait la pièce et Elena se glissa dans la baignoire après avoir attaché ses cheveux blonds. Le parfum de l'huile essentielle et la chaleur de l'eau la bercèrent lentement. Elena ferma les yeux et s'endormit.

***

- En voilà des manières ! Pleurer le jour de son mariage, allons, reprenez-vous ma fille : vous vous mariez aujourd'hui !

La jeune fille sécha ses larmes pour faire plaisir à sa mère et serra ses mains gantées de blanc pour les empêcher de trembler. La voiture tirée par deux chevaux blancs à la crinière tressée et fleurie avançait rapidement dans les rues d'Helldenheim vers l'hôtel de ville. La future mariée, parée comme une princesse, se posait mille et unes questions, lesquelles demeureraient sans réponse jusqu'à ce qu'elle Lui dise « oui ». On les avait présentés six mois auparavant et Il lui avait tout de suite plu. Sa mère avait tout organisé à l'avance, conseillant dès le premier jour à sa fille d'apprécier le jeune homme, sous peine de finir malheureuse. Cette dernière fut d'ailleurs la première à descendre, voulant être vue, et pressa sa fille d'en faire autant. Le père de la jeune femme lui avait pris la main et l'avait serrée très fort en lui souriant d'un air fier et confiant. L'homme n'approuvait pas la décision de sa femme mais il avait confiance dans la famille de son futur gendre et il savait qu'au moins, sa chère et unique enfant serait à l'abris de l'hystérique excentrique qui lui servait de mère.

Derrière son voile en tulle, elle apercevait son futur mari qui la regardait s'avancer vers lui dans l'allée, au bras de son père. Elle distingua un sourire fier et tendre se dessiner sur les lèvres de son fiancé, sourire sincère qui lui était destiné. Lorsqu'il lui tendit la main, elle y glissa la sienne en tremblant légèrement avant d'être surprise par la chaleur des doigts qui se refermaient sur sa peau. Le maire posa les questions habituelles et Elena murmura un « oui », nerveux, un peu intimidée par l'assurance dont faisait preuve son fiancé.

- Vous pouvez embrasser la mariée.

Oh non !

Elena vit son voile quitter ses yeux et sentit son cœur s'accélérer. Elle n'avait jamais embrassé personne et elle craignait de faire quelque chose de mal. Elijah glissa sa main contre la joue de sa femme et posa doucement ses lèvres sur les sienne. La jeune femme frémit, puis ferma les yeux en sentant une chaleur diffuse se propager dans tout son corps. Elle n'entendait pas les applaudissements des invités ni les paroles du maire qui avait pourtant élevé la voix pour couvrir celles des convives. Elle ne voyait que Lui. Il la regardait tendrement et souriait, comme s'il lui jurait silencieusement de toujours prendre soin d'elle quoi qu'il arrive.

***

Elena cria en agrippant les rebords de la baignoire pour s'empêcher de tomber. L'eau était maintenant froide et elle grelottait. La jeune femme se dépêcha de sortir du bain et enfila un peignoir de soie, toute tremblante, et pas à cause du froid. Une seule question tournait en boucle dans sa tête :

Qu'est-ce qui a mal tourné ?

Thifany- le sort d'une dynastieWhere stories live. Discover now