Chapitre 3

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Si le laird s'entrainait avec les siens, alors il devait forcément être dans la cour. Mais comment le reconnaître parmi les centaines d'hommes devant elle ? Pourquoi ne portait-il pas une jupette richement brodée ou une de ces ridicules couronnes en or et ornée de joyaux qui pesaient des tonnes, au lieu de ces frusques en laine ? Et puis, elle devait avoir l'air intelligente à contempler ainsi les guerriers —son expression tendue et nerveuse, trop consciente du regard posé sur son dos— à la recherche de l'intéressé. 

Pourquoi, mais pourquoi n'avait-elle pas cherché sur internet avant de venir ? Elle aurait vu des photos et su à quoi ressemblait Aonghas avant de se pointer ici. Mais non, elle était arrivée comme une fleur à Urquhart, certaine de régler l'affaire en moins de temps qu'il ne le fallait pour dire « supercalifragilisticexpialidocious ». Pourtant, la jeune femme n'aurait jamais cru qu'il serait si difficile de s'entretenir avec le vieil homme.

Mâchoires serrées, Moana fit face au highlander. Elle se racla la gorge et lissa le sweat à capuche qui malgré sa taille XXL, cachait à peine ses courbes généreuses.

— Et donc... vous êtes sûr qu'il se trouve ici votre laird ? Parce que j'ai cherché, et je ne l'ai pas trouvé.

— Vous ne regardez pas vraiment ce qui vous entoure. Il faut comprendre ce que vous voyez, ne vous laissez pas distraire par ce qui perturbe la surface. Creusez.

— Vous jouez souvent aux devinettes ? soupira Mona. Montrez-moi simplement Aonghas, ainsi vous ne le dérangerez pas. Et moi nous plus, ajouta-t-elle pour faire bonne mesure.

— Aonghas ?

Pour la première fois, le guerrier semblait décontenancé. Il s'approcha d'elle jusqu'à qu'elle puisse sentir l'entêtante odeur de sueur et de chevaux qu'il dégageait. D'une voix basse où perçait une pointe de tristesse, il lui répondit :

— Aonghas est mon grand-père. Il est mort il y a un moins de six mois.

— Oh ! Je suis désolée. Je...je ne savais pas. C'est ma propre grand-mère, Colette, qui m'envoie ici. Elle désirait tant dire une dernière fois au revoir à Aonghas. Même si c'était depuis un cercueil. Elle...elle est morte il y a deux mois. Mamie Colette m'a souvent raconté sa rencontre avec votre grand-père, vous savez. 

» Ils avaient l'air d'être très attachés l'un à l'autre, malgré la distance et le temps, ils n'ont jamais arrêté de s'écrire. C'est si triste qu'ils soient morts sans se revoir.... Dans son testament, elle voulait que je le ramène en France pour l'enterrement. 

» Je crois qu'elle espérait que je connaisse cet homme dont elle gardait un souvenir chaleureux. Dommage...

Moana se mordilla la lèvre, l'air désemparé. En la voyant faire, l'écossais maudit sa bonne éducation qui le poussait à se conduire à gentleman. Aussi, dès que l'invitation franchit ses lèvres et que son visage s'illumina, il sut que la décision qu'il venait de prendre était la plus grosse erreur de sa vie.

— Aonghas n'aurait pas souhaité que je vous laisse partir. Pas si vous êtes la petite fille de Colette. Restez le temps qu'il faudra, l'Ecosse est belle, ça sera l'occasion pour vous de connaitre le pays et de faire votre deuil.

— Merci, bégaya-t-elle, surprise par ce revirement de situation.

Il prit sa valise et partit d'un bon pas vers le château. 

— Suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre. 

Moana dut courir pour le rattraper. Pourquoi les grandes personnes se sentaient obligées d'écarter autant les jambes pour marcher ? Pourtant, Moana n'était pas considérée comme petite si on se fiait aux critères des Français. Ni belle.

Au troisième étage, il la fit entrer dans une pièce très meublée, cosy et chaleureuse malgré les murs en pierre. Un feu brûlait doucement dans la cheminée. Encadrée par d'épais rideau en velours, une unique fenêtre donnait sur le loch. 

— Si vous avez faim, je peux demander à Lorna de vous faire monter une collation.... Mais peut-être voudriez-vous vous joindre à nous pour le dîner dans la grande salle à manger ?

— Non... non pas ce soir. Demain ?

— Demain, hocha-t-il de la tête. Voudriez-vous prendre un bon bain chaud ? Une servante va venir défaire vos bagages.

— Merci, mais je suis parfaitement capable de le faire toute seule, répliqua-t-elle.

— Je n'en doute pas, souffla le laird. Je vais vous demander qu'on vous apporte un plateau.

L'highlander s'arrêta sur le seuil et se retourna.

— Au fait, je m'appelle Emrys Mackintosh. Et il vous est formellement interdit de quitter votre chambre la nuit. A demain.

***


Quelques minutes plus tard, on toqua à la porte. Des servantes entrèrent, portant avec elle une baignoire en cuivre. Elles l'installèrent devant l'âtre et la remplirent d'eau chaude à laquelle elles ajoutèrent des feuilles de lavande. Puis une femme à la chevelure cendrée, le visage marquée de rides de joie et la curiosité peinte sur le visage déposa sur la table jouxtant la porte un plateau chargé de victuailles.

— Bonjour mademoiselle, je suis l'intendante du château : madame Lorna. Demain, à votre réveil, descendez à la cuisine. Vous y prendrez votre petit-déjeuner avant que je ne vous fasse visiter Urquhart.

La brunette aima tout de suite la vieille femme. Il émanait d'elle une douceur mêlée d'autorité qui lui rappelait mamie Colette. Ses traits se creusèrent sous le chagrin.

— Je serais ravie de connaître la demeure des Mackintosh et vos coutumes Lorna, j'espère que je pourrais me joindre à vous pour apprendre votre culture, lui répondit Moana.

— Mais bien sur ma colombe ! s'exclama joyeusement l'intendante. Nous vous accueillerons les bras grands ouverts le temps que durera votre séjour. En attendant, profitez du bain puis dormez un peu, vous avez une mine affreuse.  

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant