Chapitre 11

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— Bon... Je vais remonter, j'ai une lessive à faire, annonça-t-elle de but en blanc. Et puis, comme la plage est interdite... Je n'ai plus rien à faire ici.

— Une lessive ? demanda-t-il en ignorant la pique lancée.

— Oui. Lorna a jugé bon de m'envoyer loin des autres après l'esclandre de hier soir.

— Une sage décision si vous voulez mon avis. Yain a soulevé l'illogisme de votre présence sur nos terres, mon clan se méfie.

— Vraiment, ironisa la jeune femme. J'avais pensé que les « tu n'es pas bienvenue ici », « retourne chez toi, Humaine, tu nous apporteras que des ennuis », ou encore « salope d'étrangère » étaient des mots doux. Ma foi, ceci expliquerait cela.

— C'est-à-dire ?

— Vos gens ont délaissé palmes et rameaux, au profit des crachats et des injures.

Comment répondre à cela...

— Vous avez vécu beaucoup de choses en seulement deux jours mademoiselle Duval. J'en suis navré.

— Vous mentez, lui asséna la jeune femme tandis qu'il commençait à pleuvoir.

— Pardon ?

— Vous mentez, répéta-t-elle, se régalant de la stupéfaction d'Emrys.

Il lui jeta un regard noir, peu habitué à une telle effronterie. C'était bien la première fois qu'on se moquait si ouvertement de lui. Son clan le traitait avec déférence et une soumission distante. Il était l'un des protagonistes de la Grande Guerre, un héros dont on craignait les colères mais qui leur avait permis de rétablir un semblant de paix dans leur vie.

— Vous êtes le seigneur des Mackintosh, vous avez surement prévu leur réaction. Cependant, vous n'avez rien fait....

— En effet, révéla-t-il. Mais je suis sûr que vous vous en sortirez bien.

— Bien entendu, répondit-elle en levant les yeux au ciel.

— Ne me dites pas que leurs réactions vous surprennent ?

Il la pressa de passer devant lui, la paume offerte. Moana le remercia puis entama la montée escarpée.

— Bien sûr que non ! Mais croyez-moi que jamais, jamais je n'aurais porté cette robe si j'avais su !

— Laissez-moi deviner. Lorna vous a sorti le discours de la mère déplorée et aimante ? railla-t-il.

Moana ne pouvait pas le voir, Emrys marchant derrière elle, mais elle était certaine d'avoir entendu une pointe d'amertume dans sa voix bourrue.

— Qu'il y a-t-il de mal à pleurer sa fille ?

Son ton avait été un peu plus acerbe qu'elle ne l'avait voulu, toutefois, Moana voyait en la vieille gouvernante un peu de sa mamie. Alors ce comportement... Elle n'acceptait pas qu'un fils qui —pour une raison qu'elle ignorait mais qu'elle supposait être une connerie d'adolescent— lui parla avec une indifférence qui aurait fait grelotter un ours polaire. Pour Moana et sa relation fusionnelle avec Colette, ignorer ainsi sa mère était inconcevable.

— Le problème dans l'histoire si.... touchante qu'elle vous a raconté, c'est qu'à aucun moment elle fut une « mère ».

La jeune femme fronça des sourcils. Le laird dut le deviner puisqu'il continua :

— Lorna n'a pas été la plus aimante qu'il soit. D'aussi loin que je me souvienne, Elowen se tournait toujours vers moi lorsqu'elle avait besoin d'aide. Le soir, je lui racontais des récits mettant en scène des princesses guerrières et la tenais contre mon cœur jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Plus tard, sa beauté corrompit le cœur des hommes et je devins son gardien.

Soudain, son pied glissa contre une pierre et son corps aux courbes généreuses bascula vers l'arrière. Brusquement, deux mains entourèrent sa taille et la retinrent contre un torse musclé. Une tresse noire de jais tomba sur son épaule. La chaleur douce de son souffle vint lui chatouiller l'oreille lorsqu'il lui murmura de faire attention. Ses joues se colorèrent, Moana pria pour que le highlander ne le remarque pas. Elle continua à marcher comme si son cœur ne s'était pas mis à battre la chamade à son contact. Une douleur vive à sa cheville la fit tressaillir.

— Lorna m'a raconté qu'elle était très coquette, poursuivit Moana.

— C'est vrai, murmura-t-il. Elle ne sortait pas sans être tirée à quatre épingles. Elle avait compris très tôt que son aspect physique était un atout non négligeable dont elle profitait sans vergogne.

— Elle aimait...flirter.

— Oui, elle aimait ça. Jusqu'à rencontrer Yain.

— Vous n'avez pas grandi ensemble ? se surprit-elle.

— Non, nous sommes nés dans des clans différents. Un jour, nos chemins se sont croisés et nous décidâmes de ne plus nous séparer. Elowen et Yain, ce fut un coup de foudre. Ils se marièrent peu de temps après.

— Je comprends mieux son comportement agressif. Son décès a dû le dévaster.

— Oui, il était parti guerroyer et à son retour, sa femme était morte.

— La vache ! s'exclama la jeune femme. Vous vous faites la guerre dans les Highlands ? Si j'avais su, j'aurais pris mon épée en bois.

Emrys écarquilla les yeux. Avait-elle pris sa gaffe à la rigolade ? Il préféra se taire.

— Comment est-elle morte ?

— On l'a assassiné, lâcha-t-il.

Prise au dépourvue, Moana perdit une nouvelle fois l'équilibre. La pluie avait rendu la terre boueuse et l'herbe mouillée. Ses baskets glissèrent. Elle se pencha vers l'avant pour se rattraper, faillant lamentablement. Ses ongles griffèrent la terre, ses fesses poussèrent Emrys et son geste secourable. D'un mouvement du bassin, elle se retrouva dans la position inverse. Ses cheveux décrivirent un arc de cercle, son dos toucha dans un bruit sourd le sol, les pierres la marquèrent de bleues.

N'ayant aucun moyen de s'accrocher à un objet qui l'empêcherait de dévaler la pente, Emrys fit une grande enjambée. Sa botte se retrouva au niveau des épaules de la blonde, ses épaules à l'horizontale comme s'il était prêt à s'envoler. 

Cette dernière leva les bras afin de se protéger de la supposée chute du highlander. Mais au lieu de cela, elle souleva le kilt d'Emrys. Ces iris incolores accrochèrent le secret du tartan rouge et vert. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now