Chapitre 28

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Ça avait été subtile, il devait le lui concéder. 

Son défi n'avait pas de mots mais une odeur pénétrante qui piquait au nez. Son aura avait restreint son influence autour de Moana pour la chevaucher. Elle voletait autour de sa silhouette telle une danseuse de ballet, essayant de se mêler à l'émanation qui l'entourait. Non, c'était bien plus que cela. Braïn souhaitait imprégner son odeur sur elle.

Son regard n'avait pas lâché le sien tandis qu'il posait lentement sa main sur sa taille. Son arrogance le fit tiquer. Emrys bouillait de rage, et le visage stoïque de la jeune femme n'arrangeait pas son humeur. Une rage froide, implacable, embrouilla son esprit. Il n'arrivait pas à la contenir. Plus rien n'avait d'importance à ce moment-là que cette main masculine posée sur ce qui lui appartenait. A une vitesse surhumaine, il attrapa Braïn par le col de sa chemise pour l'éloigner de Moana. Le palefrenier tomba dans l'eau dans un éclaboussement spectaculaire.

— Et un problème en moins, se vanta Emrys.

— Tu... vous, rectifia rapidement Moana sous son regard noir, vous êtes complètement cinglé, monsieur !

— Cinglé ? Cet homme n'a aucun droit de marquer ce qui est mien.

Moana mit quelques secondes à comprendre mais quand le déclic se fit, son visage devint rouge alors qu'elle le regardait, choquée. Incapable d'articuler un son qui ne la compromette, elle fit brusquement volte-face.

— Mademoiselle Duval, intervint Sony, le comportement de Mackintosh est justifié, cependant, si son geste vous a semblé trop barbare, nous pouvons lui demander de partir. Nous ne souhaitons pas vous incommoder.

Mais Moana ne l'écoutait pas, son esprit s'emballait. A quoi servait-il de le vouvoyez en public si Emrys proclamait qu'elle... qu'elle lui appartenait et jetait les gens comme on lançait une pierre lorsqu'ils s'approchaient un peu trop près d'elle ? Le regard qu'il lui avait lancé un peu plus tôt —où fureur et haine se mélangeait—, l'avait glacée et la culpabilité qu'elle avait soudainement ressentie la poussa à imposer une distance de sécurité entre elle et Braïn. 

Elle avait eu peur. Peur qu'il ne fasse quelque chose qu'il regretterait plus tard, peur de le perdre. Mais elle n'avait pas compté devenir pour lui un objet à posséder ni sa propriété.

« — Parce que nous sommes en public et qu'à partir de maintenant, il est préférable pour vous qu'on ne devine pas notre...

Amitié, finit Moana en voyant sa difficulté à finir la phrase. »

Elle en ressentait une vive douleur, une colère offensée. Elle se rappela leurs rencontres. Toutes avaient étrangement eu lieu pendant ses moments où la gêne tissaient un lien complice entre eux, les déclarant gardien d'un même secret. Ces situations avaient-elles été calculées ? Mais pourquoi ? Que gagnait-il en jouant avec elle comme d'un vulgaire pion sur un échiquier ? Elle n'était qu'une Humaine. Pire, elle devait sans cesse lui rappeler l'écart de jeunesse de son grand-père.

Moana releva les yeux pour se rendre compte que le Conseil l'observait, attendant sa réponse. Elle soupira. Elle était devant les membres les plus puissants des SAQUA et que faisait-elle ? Elle cherchait la raison cachée derrière les paroles d'Emrys. Pathétique. D'autant plus qu'il n'y avait rien à comprendre. Elle avait été une distraction, la nouveauté du moment. Point. Mais alors pourquoi se sentait-elle trahie ?

— Passons, voulez-vous.

Son timbre de voix était sec, laissant peu de place à la discussion. Sony hocha la tête.

— Comment avez-vous eu connaissance de l'existence de notre race ? Saviez-vous pour votre ADN de métisse ?

— Ma grand-mère me racontait souvent des histoires le soir, je n'y avais jamais vraiment cru jusqu'à maintenant. (Moana haussa les épaules). Vous savez, je ne me suis jamais sentie différente aux autres Humains. J'aimais peut-être passer mon temps à la mer, mais aucun sabot n'est jamais apparu pour me faire douter de mon héritage génétique.

— Votre gouvernement surveillait-il Colette ? A-t-il conscience de ce que vous êtes ?

Moana prit son temps pour répondre. Elle devina qu'il suffisait de peu pour faire basculer la balance en sa défaveur. Mourir aux mains de cette femme qui ressemblait à un piranha ne lui semblait pas la meilleure manière de mourir. Non, merci.

— Nous voyagions énormément. Tous les trois mois, nous changions d'état. Ils nous aient même arrivés d'aller en Europe une ou deux fois. (La jeune femme fronça les sourcils, épluchant ses souvenirs d'enfance). Colette était une femme très prudente : elle n'ouvrait jamais de compte en banque parce qu'elle travaillait au black, elle changeait souvent de voitures et ne sociabilisait jamais avec nos voisins ou les parents de l'école.

Surprenant les yeux d'Emrys sur elle, Moana s'humecta les lèvres. L'intensité de ses iris azurite la décontenançait. Son cœur n'écoutait visiblement pas sa part rationnelle. S'en était frustrant. Avaient-ils vraiment été amis ou était-elle seulement un femme de plus sur sa liste de conquêtes ?

« — Pas de sexe pour le plaisir ? susurra-t-elle.

Il rougit adorablement et lui confirma que c'était une activité dictée par l'instinct, non par le désir. »

Et donc ? Dire que ce n'était pas naturel chez eux ne signifiait pas qu'ils ne se roulaient pas dans le foin de temps à autre. Oh, et puis zut, qu'est-ce qu'elle en avait à foutre de cet highlander ! Qu'il aille au diable ! Elle devait être très petite s'il sentait la nécessité de la cacher ainsi.

D'ailleurs, Braïn était un très bon candidat : doux, attentif, sans de saut d'humeur et totalement dépourvu de cette délicieuse arrogance qui lui donnait envie de dévorer ses lèvres pour le faire taire. Oui, voilà, c'était exactement l'homme qu'il lui fallait.

— Nous jouions souvent au « Qui suis-je ? », continua Moana. (Elle ne le réalisa pas. Que son regard était resté fixé sur Sony, qu'il n'avait pas glissé une seule fois à l'endroit où Braïn été tombé). À chaque nouvelles villes, je me créais une identité. Elle m'invitait à rivaliser d'imagination. Que demandait de plus une gamine que de pouvoir se déguiser à volonté ? C'était comme dans ses dessins-animés où les personnages changeaient de costume lorsqu'ils combattaient des créatures maléfiques. (Elle se mordit l'intérieur de la joue). Je me souviens même plus de mon vrai nom.... Et puis un jour, les voyages s'arrêtèrent. J'imagine que le danger était passé. C'est tout ce que je peux vous dire.  

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant