Chapitre 12

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Il y a peu d'occasions dans notre existence où on vit des faits de tellement inattendu qu'on restait, pendant quelques secondes, sans voix. Il y avait encore moins, pour Moana, la possibilité de résoudre les mystères de ce monde. Si, si... Les highlanders portaient-ils quelque chose sous leur kilt ? Une problématique érotisée qui attire foule de curieux. Malheureusement —ou bien heureusement— pour Moana, elle possédait la réponse à ce célèbre mythe. Dans l'incapacité d'agir, la jeune femme voyait sa vie défiler sous ses yeux, comme dans un de ces vieux film de la fin du dix-neuvième siècle : en noir et blanc. 

Elle inspira un grand coup, laissant échapper un bruit étranglé sous l'afflux soudain d'air. Les hommes écossais ne mettaient effectivement rien du tout sous leur tartan. Absolument nothing. Et ce qu'elle voyait la laissait.... horrifiée, étonnée, choquée et à la fois subjuguée par ce que l'évolution de la nature provoquait. Dit ainsi, on aurait pu croire qu'elle venait de trouver une reproduction exacte de la première merveille du monde. Ce qui n'était pas le cas, bien au contraire, puisqu'il n'y avait que le vide à regarder. 

Le temps parut se suspendre, les fines gouttes de pluie ralentirent leur chute tandis que le chant farouche de l'océan résonnait en arrière-fond dans leur ouïe. Le laird observait, offusqué, la blonde couchée sur le sol irrégulier qui menait au château. Ses yeux, de la couleur des nuages enragés d'Ecosse, fixaient de manière indécente son anatomie.

Emrys abattit violemment sa jupe aux carreaux verts et rouges sur ses cuisses musclées. En dépit de ce geste brusque, Moana ne se sortit pas de sa contemplation. Elle paraissait complètement chamboulée, le regard écarquillé et la bouche entrouverte comme un poisson hors de l'eau. Elle fixait sans voir. Le vent souffla encore, taquin, mais le tissu mouillé était maintenant plus facile à maintenir en place.

Son sang bouillait dans ses veines tandis qu'il essayait de contrôler du mieux qu'il pouvait sa respiration. Le scandale qui s'ensuivrait si on avait vu ce qu'il venait de se passer serait impossible à surmonter. Le laird tremblait à la seule mention de la révolte qui s'avoisinait. Et de toutes ces femmes, couteau de cuisine à la main, qui viendrait demander des comptes le soir dans la grande salle... Son peuple oserait-il la jeter hors des terres des Mackintosh malgré son statut d'invité ? Il espérait que non. Bien qu'une part de lui —surtout après ce gênant épisode— désirait que la jeune femme parte pour ne jamais revenir. Ainsi, il aurait l'occasion de l'oublier. D'oublier cette trentenaire à la langue bien pendue et à la curiosité aussi dévorante que celle des enfants.

— Ça alors ! Même Scooby-Doo et ses mystères associés n'auraient pas deviné que tu es intersexué ?

Elle passa au tutoiement sans s'en même rendre compte, abolissement toute distance sociale entre eux.

— Scubly-Du ? Intersexué ?

— Pour résumé, c'est un chien qui parle et qui mène des enquêtes avec sa bande d'amis. Scooby-Doo est un dessin-animé très connu. Ils en ont même fait des films.

— Je vois, répondit-il sceptique face à sa santé mentale.

Mais après tout, c'était peut-être possible. Emrys ne connaissait pas toutes les inventions et coutumes des Humains. Scubly-Du était surement un totem puissant s'il était pourvu de la capacité de parler.

— Intersexué veut dire que tu n'as pas de sexe prédéfini. Que tu es neutre. Ni homme, ni femme. Un genre sexuel qui rompt les règles préétablies. Un rebelle social quoi.

Le visage d'Emrys se durcit, sa voix devint froide et impersonnelle.

— Ça suffit ! Je n'accepterai plus tes insultes !

— Je ne voulais pas... souffla Moana, impressionnée par l'autorité naturelle de cet homme.

— Je suis un guerrier respectable et respecté ! Un homme viril dont les cicatrices prouvent sa bravoure et sont les témoignages de ses nombreuses victoires ! récita le Emrys comme un leitmotiv. (De son poing, il frappa son torse à plusieurs reprises). Un laird sage qui...

— N'a pas de quéquette, ne put-elle s'empêcher de préciser.

Un ange passa.

— J'en ai une, annonça finalement Emrys. Mon... C'est vraiment impudique de parler de ça avec une dame ! Remontons maintenant, on va prendre froid, dit-il, envieux de s'échapper du cauchemar qu'il vivait.

Il était seulement sorti prendre l'air. Prendre l'air, récupérer. Faire disparaître cette migraine qui lui gâchait ses journées. Quand les choses avaient-elles dérapées ? Il aurait dû faire demi-tour dès qu'il l'avait vu sur la plage, mais une force invisible le poussa à venir lui parler.

Moana ne comptait pas en rester là. Une main se glissa sur l'avant-bras du highlander. Ils remontèrent la pente en silence, puis alors que les silhouettes des autres se dessinèrent, Emrys parla. L'introduire peu à peu dans le monde surnaturel ne pouvait que lui être bénéfique. De plus, il escomptait sur les informations lâchées de manière intentionnelle ou non par Colette pour lui faciliter la tâche.

— Ne parlons pas de ce qui s'est passé entre ces murs. Ça pourrait être dangereux pour toi.

— Mais...

— Il y a des puzzles qui doivent se faire sans aide.

— Dieu du Cieeeel ! dit-elle exaspérée. J'ai compris mais cette discussion est seulement repoussée, pas close. D'ailleurs, pourquoi est-ce que tu ne mets pas de ceinture ? demanda Moana, le souffle toujours coupé par la vision précédente —certes courte mais significative—.

Son esprit était en plein ébullition.

— On ne porte jamais un ceinturon en cuir avec un gilet, il est purement décoratif, lui répondit Emrys, hargneux mais le regard fuyant. Le kilt se maintient par une épingle fixée ici à droite, lui montra-t-il du doigt.

— Peut-être faudrait-il revoir l'endroit où tu l'accroches.

— A quoi cela me servira-t-il si tu regardes sous le tartan ? contra-t-il.

— Il n'y avait rien à voir de toute façon, chuchota Moana.

Emrys se dirigea vers elle sans lui laisser le temps de réagir et l'attira contre son torse sans ménagement. Il la dépassait d'une tête et demie au moins, l'obligeant à plier le cou pour affronter ses pupilles. Elle détestait ça.

— Tu ne vas rien dire n'est-ce pas ? A personne.

Moana était réticente à promettre le silence, après tout elle devait écrire un article sur les kelpies. Elle était certaine que ces créatures et la particularité d'Emrys étaient connectées d'une manière ou d'une autre. C'était obligé. Elle ne pouvait s'imaginer un homme tel que lui rester chaste toute sa vie. Non, impossible. Elle allait devoir mettre la main à la pâte. 

— Je ne dirais rien.

— Parfait. Lorna t'appelle, tu ferais mieux d'y aller, suggéra-t-il.

Ce que cache un kilt doit rester secret !Onde histórias criam vida. Descubra agora