Chapitre 8

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Fini.

Moana essuya les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Un sourire fier mais teinté de fatigue ornait ses lèvres. Ses oreilles bourdonnaient, le volume des conversations avaient augmenté à l'approche du dîner. Les autres étaient impatientes de raconter ce qu'elle savait sur l'invité du laird. Il était certain que la jeune française allait être le centre de conversation du soir sinon des jours à venir. Mais Moana ne pensait qu'à dormir. 

Lorna lui avait donné une tartine de beurre salé pour le petit déjeuner et un bol de bouillon écossais pour le midi, avant de l'enrouler dans un tablier sale et de la pousser vers le tabouret. Elle avait occupé sa matinée à éplucher puis à couper en fines lamelles carottes et pommes de terre. Elle s'était centrée sur son épluchage, ignorant les inepties sexistes et les ragots susurrés avec une joie de vivre enfantine.

Les écossaises ne l'ignoraient pas totalement —et ce grâce à Lorna qui venait régulièrement voir comment elle se débrouillait, n'hésitant pas à lui faire la conversation pour la distraire de sa tâche ingrate— mais c'était tout comme. La politesse et les rares échanges étaient forcés. La curiosité faisait briller leurs yeux. On avait suivi ses gestes, analysé ses paroles. En bref, la journée n'avait pas été des plus agréables. Elle espérait pouvoir dormir une petite sieste avant d'affronter le clan MacKintosh en entier. Elle n'en connaissait pas la raison, mais une sourde angoisse à l'idée du repas à venir et des réactions que pouvaient susciter sa présence lui obstruait les voies respiratoires.

Cependant, dans le plan imaginé par Moana pour se faufiler hors de la cuisine, l'intendante d'Urquhart n'en faisait pas partie. Pourtant, dès qu'elle l'a vit esquisser un pas vers la sortie, cette dernière lui agrippa le bras et l'emmena dans sa chambre.

— Hop, hop, hop ! Où allez-vous ?  Vous ne pouvez pas descendre ainsi habillée ce soir. Ce dîner est à votre honneur ma colombe ! Venez avec moi.

D'un geste magistral, Lorna ouvrit son armoire, révélant un incroyable assortiment de robes. De magnifiques robes datant du siècle dernier si ce n'est plus... Moana réprima une grimace car après tout, étalées ainsi sur le lit, elles étaient vraiment belles. Un tissu en particulier attira son attention : était-ce de la soie ?

— Vous avez tellement de robes, c'est incroyable ! Les collectionnez-vous ? Il me semble qu'elles sont toutes, au vu de la coupe, d'époques différentes. Pas mal de musées rêveraient d'avoir pareille collection.

— Elles appartenaient à ma fille....

— À votre fille ? Était-elle dans la cuisine avec nous ? Pourquoi ne pas me l'avoir présentée ?

— Elle n'est plus de ce monde, lui répondit-elle d'un douloureux sourire.

Contrite, Moana ne savait plus où se mettre.

— Excusez mon indiscrétion....

— Ne vous en faites pas, sa mort ne date pas d'hier ! Elle était très coquette vous savez, raconta la vieille femme. Toujours à faire gaffe à son apparence et au qu'en-dira-t-on. Celle-ci était sa préférée. (Ses doigts voyagèrent sur les manches d'un bleu saphir avant de glisser sur la ceinture brodée d'or admirée par Moana). Elle l'adorait mais ne la mettait que rarement. C'est moi qui l'aie cousu, elle disait qu'elle était si belle que l'user relèverait de l'impardonnable. (Un voile de larmes couvrit son doux regard). Elle la portait le jour où on l'a demandé en mariage. Tout le clan attendait avec impatience que Yain se lance. On avait lancé des paris sur l'endroit et la date... Ah ! (Renifla-t-elle). Je suis désolée de vous imposer les bavardages d'une vieille sentimentale !

— Ne vous inquiétez pas. Parler de notre être cher nous permet d'oublier leur absence. Ne vous contraignez pas au silence, lui conseilla la jeune femme en posant sa main sur celle ridée de Lorna.

— C'est vrai, vous avez perdu votre grand-mère il n'y a pas longtemps. J'ai dû vous rappeler de mauvais souvenirs, pardonnez-moi.

— Non, non ! Son nom m'est douloureux de prononcer mais les souvenirs sont heureux. Colette a pris soin de...

— C...Colette ?! sursauta Lorna.

— Oui, vous la connaissiez ? demanda Moana alors que l'intendante lui tournait brusquement le dos pour farfouiller dans l'armoire. Cependant, elle avait eu le temps de voir sa mine horrifiée—. Peut-être que vous l'avez déjà croisée, je sais qu'elle a vécu un certain temps à Urquhart lorsque Aonghas fut récemment élu laird. Ils été très liés...

— Je...non. Je ne l'ai jamais croisé, coupa-t-elle. Bon, assez de bavardages pour ce soir ! Vous avez une robe à choisir !

Moana sourcilla sous l'injonction. Lorna avait rapidement évincé le sujet, soulevant les suspicions de la française. Elle cachait une chose, de cela, Moana était certaine. Son cœur battait la chamade. Lorna connaissait sa grand-mère. Et, peut-être même, le secret que renfermaient les carnets de Colette.

*****

— Il est l'heure, ma colombe.

Vérifiant une dernière fois son reflet, elle inspira profondément pour se calmer. Ses cheveux brillants retombaient en de douces vagues sur ses épaules à moitié dévoilée par le velours bleu nuit du vêtement. Un décolleté sage mettait en valeur un collier de perles blanches. La robe était cintrée autour de la taille et juste au-dessus des coudes par une bande dorée. Le bas de la robe s'ouvrait en deux, dévoilant un bout de tissu ambré. L'intendante du château lui avait pincé les joues pour un effet bonne mine. Le résultat était spectaculaire, Moana avait du mal à se reconnaître.

*****  

Lorna n'avait pas menti, le soir, le clan se réunissait autour de longues tables en bois rudimentaires. Son cœur fit une embarquée à la vue Emrys Mackintosh. Assis à la verticale des autres, le laird parlait avec animation au highlander blond situé à sa droite. Sentant un regard pesé sur lui, il fouilla la salle jusqu'à tomber sur la jeune femme. Ses sourcils, noirs et épais, s'arquèrent sous l'effet de surprise.

— Bonsoir laird, monsieur, salua Moana d'un hochement du menton.

— Vous...Comment osez-vous ? siffla Yain, son faciès rougit de colère. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now