Chapitre 6

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- Tu délires, mon ami. On ne va rien faire du tout. Attendons de voir comment se déroule son séjour avant d'appeler qui que ce soit.

- Si le gouvernement trouve Moana ici et analyse son ADN, ils sauront.... Et alors, je ne donne pas cher de notre peau.

Emrys ne répondit pas. Comprenait-il la gravité de la situation ? Yain l'espérait, la peur paralysait son bon sens mais comme disait le proverbe « mieux valait prévenir que guérir ».

- A savoir de quoi est capable cette hybride. Elle pourrait nous mener à notre perte.

Un rire -si on pouvait appeler ce grognement un rire- l'interrompit.

- Tu exagères Yain. Elle ne connait pas ses origines, comment pourrait-elle nous nuire ? Ensuite, on possède des pouvoirs que les Humains n'ont pas.

- Et eux, des moyens que nous n'avons pas.

- Mona ne sera pas l'instigatrice d'une nouvelle guerre, on nous surveille pour que ça ne se reproduise plus, lui rappela Emrys. Détends-toi Yain, il n'y a aucun risque.

- Comment peux-tu le savoir ?

Yain ne comprenait pas le calme qu'Emrys affichait. Croire que le pacte signé empêchait les Humains de kidnapper les SAQUA pour leur faire subir d'étranges expériences était d'une naïveté incroyable. Tout comme croire que les SAQUA restreignaient leur instinct de prédateur. C'était une guerre sous-jacente, un cercle vicieux huilé à la perfection.

- Je le sais, point. Moana ne nous trahira pas.

- Je suis désolé Emrys (Yain déglutit) mais je ne peux pas rester les bras croisés alors que ma plus grande hantise est -peut-être- sur le point de devenir réelle. Mais je sais que si on la vire du château, ça éveillera ses soupçons. Je ne pense pas qu'elle est filmée ce qu'elle a vu, cependant... (Yain secoua la tête), je ne veux pas imaginer ce qui se passerait si elle l'avait fait et décidait de diffuser l'information. Ou plutôt, je n'imagine que trop bien... Certains n'y croiront pas, la tourneront au ridicule, diront que c'est du photomontage... Mais de nos jours il existe plusieurs manières de prouver la véracité d'une photo, et c'est de cela dont j'ai peur. Il faut que Moana parte de sa propre volonté.

Emrys coupa court l'éclat malsain qui se formait dans les iris de Yain.

- Moi aussi je désire que la paix perdure Yain. Il faut que tu me croies quand je te dis que Moana n'est pas un danger pour nous. Aonghas avait confiance en sa grand-mère, nous ferons de même. De plus, elle est mon invitée, ça serait terriblement impoli de l'obliger à partir alors qu'elle est en deuil, annonça calmement le laird. Elle reste.

Son interlocuteur s'étouffa sous la surprise.

- Quoi ? croissa-t-il. Tu... tu as perdu l'esprit ? Pourquoi est-ce qu'on devrait prendre ce risque ? Si ça se trouve, ton grand-père a été ensorcelé voire droguer ou...ou... qu'en sais-je ! Mais je ne vois pas de raison qui te contraint à lui faire confiance. Elle est Humaine !

- Comme tu l'as remarqué, Moana est une hybride.

Yain pouffa avec dédain.

L'héritier des Mackintosh observa son ami s'appuyer contre l'encadrement de la fenêtre. Ses épaules étaient légèrement courbées, ses iris chocolat perpétuellement voilés par une tristesse indignée. Dehors, les écossais commençaient à travailler. La journée était venteuse mais les températures douces. L'automne s'approchait à grand pas. Les récoltes et les tondaisons allaient bientôt débuter, leur garantissant une protection contre la pénurie et le souffle glacé de l'hiver.

Depuis la Grande Guerre, Yain n'était plus lui-même. La perte de sa compagne lui fit perdre l'esprit, le rapprochant de l'abîme de la folie. Impitoyable, nerveux, sanguinaire. Sa haine devint rapidement insatiable, la vengeance guidait ses pas. Puis vint le jour où Emrys dût lui faire voir une vérité dérangeante : Elowen était morte, pas lui. Or, cela ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose : quelque part sur Terre, une deuxième âme-sœur lui était destinée... Et Yain exécrait cette idée.

Emrys n'avait pas à répondre à Yain, il était le seigneur d'Urquhart et en tant que tel, il ne devait rendre de compte à personne. Néanmoins, il s'agissait là de son meilleur ami, du guerrier avec qui il avait combattu les Humains lors de la Grande Guerre. Du mari de sa défunte sœur. Alors il écarta sa première envie, celle de boire pour oublier, et avoua la raison de sa conduite.

- Aonghas m'a fait promettre d'accueillir Moana si elle se présentait à Urquhart. La promesse de la lune, déclara Emrys sombrement.

Le rouquin était surpris, cette découverte changeait la donne.

- Mon Dieu...

- Aye.

Yain servit copieusement deux verres de scotch avant d'en donner un à Emrys. Ce dernier se mit à contempler le ton fauve de l'alcool d'un air maussade. Jamais il n'aurait pensé qu'Aonghas aurait été capable de commettre un tel coup bas. L'étau se refermait sur lui, l'étouffant sous la pression et l'anxiété. La promesse de la lune était un accord volontaire entre deux partis, seule la mort pouvait rompre cette promesse. La lune s'en assurait.

Et Emrys avait promis de prendre soin de Moana, la fille d'Aonghas et de Colette.

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant