Chapitre 32

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Tap. Tap. Tap.

Des pas s'approchèrent de sa cellule, elle entendait une voix féminine et maternelle lui parler. Les mots semblaient lointains, trop pour que son cerveau engourdit par le froid et la faim comprenne. Elle lui était familière pourtant, les mots paraissaient chaleureux et plein de réconfort. Puis le silence revint et Moana oublia la voix. 

Les joursse suivaient et se ressemblaient, le temps s'étirait impitoyablement. La voix revenait souvent la voir. Malgré cela, la jeune femme se plongea dans un mutisme total. Elle avait désespérément besoin qu'on la sauve, qu'on lui dise qu'elle vivait actuellement un mauvais rêve. Une épaule sur laquelle s'appuyer. L'ironie ne lui échappait pas. Elle n'avait même pas pensé à prendre son portable, s'habituant plutôt bien à cette vie archaïque.

Frénétiquement,ses ongles grattèrent la terre molle. 

Elle n'était pas une héroïne, seulement une femme égoïste qui se mettait en quatre pour les autres sans jamais recevoir en retour mais avec le désir d'une reconnaissance éternelle. Personne ne se sacrifie par pure abnégation, « pour » les autres. Ça n'a aucun sens, aucune logique. On attend forcément quelque chose, des remerciements qui en général ne viennent jamais, pour la bonne raison que l'autre n'a pas demandé ce sacrifice. Néanmoins, parmi sa liste de relations toxiques et conjoins souffrant d'addictions, aucun n'avait été prêt à arrêter d'être son centre d'attention.

Dans sa petite cellule, le choc subit permettait à Moana de se libérer enfin. Elle laissa le fantôme de mamie Colette disparaître à tout jamais alors que son esprit effaçait la douleur et le dévouement de toute une vie. Parmi le froid, la crasse et l'humidité, Moana faisait le deuil de ce qu'elle n'avait pas pu sauver : des parents imaginaires dans son enfance, une mère qu'elle n'avait jamais considérée comme telle et un père qu'elle n'aurait jamais la chance de connaître. Dans sa petite cellule, Moana se défit de ce fantasme de toute puissance.


Un soupir résonna près de son oreille, la faisant violemment sursauter.

— Enfin, vous sortez de votre léthargie.

Ses paupières étaient lourdes, elle les souleva avec difficulté.

— Pendant un instant j'ai bien cru que vos vacances ici-bas vous avez définitivement brisé.

Ses oreilles bourdonnaient, elle ne parvenait pas à comprendre ce qu'on lui disait. Commençait-elle à perdre la tête ? Elle avait perdu la notion du temps, plus personne ne descendait maintenant. Et c'était très bien comme ça. Elle était venue à aimer la solitude et le bruit des vagues se fracassant contre les reliefs de la falaise.

Une présence humaine après tant de jours de solitude lui paraissait surnaturelle, elle n'était pas sûre d'aimer cela. La haine de Griselda lui revint à l'esprit tel un flash aveuglant. Apeurée, Moana se recroquevilla sur elle-même.

— N'ayez pas peur ma pauvre enfant, la consola la créature penchée sur elle.

D'un mouvement doux, il poussa son épaule jusqu'à ce qu'elle lui fasse face. Moana n'en avait jamais vu d'aussi étrange. Il n'y avait aucune couleur chez lui, il paraissait tout droit sorti d'un film en noir et blanc. 

De ses cheveux à sa peau blanche comme le lait, en passant par des yeux d'un gris si incroyable qu'ils semblaient ouverts sur un ciel intérieur. Des mèches lisses et d'un blond si clair qu'on les croirait d'argent venaient rehausser sa physionomie androgyne. De fines lèvres et un menton arrondi terminaient son portrait. Même dans la pénombre, Moana pouvait voir danser sur son visage son caractère confiant sans être obtus, savant sans être arrogant. 

Contrairement aux autres membres du Conseil, il n'attirait ni la flore ni la faune marine. Rien ne l'entourait ou n'était accroché à lui. Il semblait être une toile blanche attendant avec impatience que quelqu'un s'y penche, sans qu'on ne devine qu'il accomplissait déjà une volonté. Celle de Mère la Lune. Mais ce fut un détail d'autant plus intriguant qui attira l'attention de Moana : il ne possédait pas de pupille.

— Je vous emmène avec moi, dit-il de sa voix éthérée.

La jeune femme tenta de parler mais sa gorge était désespérément sèche.

— Ne cherchez pas à parler. (Il caressa son front de manière presque paternel). Cela fait des jours que vous n'avalez rien, vous êtes déshydratée et sous-alimentée.

Elle ouvrit la bouche mais se ravisa. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises, son image devenait floue.

— Bonne fille, murmura-t-il. Dormez maintenant, à votre réveil, vous serez en sécurité.

Moana était si épuisée qu'elle n'eut pas la force de protester. Elle sombra dans l'inconscience. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant