Chapitre 38

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- Je ne leur ai jamais fait de mal, se vexa Moana.

- Pour l'instant.

- Ni maintenant ni plus tard ! assura-t-elle. Je ne suis pas une menace Awilix. S'il vous plaît, aidez-moi ! J'aimerai avoir la possibilité de connaître le peuple de l'eau dont me parlait tant ma mère.

- Je pense que la seule manière de sauver tes fesses, jeune fille, c'est de quitter ce temple pour tracer ton propre chemin.

Ses yeux anthracite s'écarquillèrent et se remplirent de larmes qu'elle ne parvint pas à dissimuler.

- Vous... vous me jetez dehors ?

- Ce n'est ni ici ni à Urquhart que tu trouveras le bonheur. Pas pour l'instant.

Emrys puis Brain lui vinrent à l'esprit. Seraient-ils heureux de la voir partir ? Un pincement au cœur lui fit rejeter l'idée.

- Vous me mettez à la porte, clarifia Moana. J'aurais dû m'en douter. Cette protection, désigna-t-elle d'un mouvement de bras, n'était que provisoire. Je comprends mieux maintenant pourquoi Egon refusait de me donner de quoi m'occuper, il ne voulait pas que je prenne trop mes aises...

- C'est le mieux pour toi, dit-elle.

Moana devait comprendre pour que son destin s'accomplisse. Toutefois, elle était déterminée, au moins que  « têtue » ne lui convienne davantage. Elle lui rappelait énormément Colette. Trop maligne à son goût.

- Pour moi ou pour vous ?

- C'est le mieux. Pour tout le monde, corrigea Awilix d'un ton sans appel.

De grosses larmes se mirent finalement à couleur sur ses joues rebondies. Elle les nettoya d'un geste rageur. Moana dut se prendre à deux fois avant de pouvoir parler. 

- Je n'ai rien fait pour mériter un tel traitement. Êtes-vous donc incapables de pardonner ma différence ?

- Tu es une enfant de l'amour, as-tu déjà pensé aux anoma...métisses (corrigea Awilix devant le regard noir que lui lança la jeune femme) engendrés pendant la Grande Guerre ? On fait souvent des erreurs que l'on regrette après, des erreurs auxquelles on ne veut pas faire face. L'ombre de la Grande Guerre fait encore tremblée les SAQUAS, pourquoi vouloir entrer dans les détails ?

Soudain, son image se mit à miroiter.

- Même si cela voudrait dire renoncer au sang de son sang ? demanda-t-elle, outrée.

- C'est pour leur propre bien, Moana.

Sa voix n'était plus qu'un écho lointain tandis qu'un scintillement douloureux prenait sa place.

- Attendez ! Vous ne pouvez pas partir comme ça ! s'exclama la jeune française.

- Je t'ai assez aidé, pour le reste, demande à Egon.

Elle courut vers Awilix mais il était trop tard, dans un bruit de bulles sous-marines, la déesse disparut, emportant avec elle les dernières lueurs d'espoir de Moana.

L'aider ? Moana fit une moue contrarié. Franchement, sa définition du mot laissait à désirer.

***

Australie, Pine Gap, salle de réunion G14, huit heure trente-et-un du matin :

Il sortit un mouchoir, finement brodé des initiales "R.C", de la poche de son uniforme. Consciencieusement, il plia le mouchoir jusqu'à former un rectangle de la taille de sa paume. Puis, les doigts légèrement pliés, le pouce placé stratégiquement sur le bord, il s'essuya le front moite de sueur. De gauche à droit.

Les spéculations allaient bon train sur la provenance de ce bout de tissu dont il ne se séparait jamais. Une souvenir de sa femme clamait certains, jusqu'à ce que les mauvaises langues fassent remarquer qu'il fallait des nerfs d'acier pour supporter un tel homme au quotidien. Pendant un court instant, ils étaient unis dans la compréhension qui assombrissait leur visage, avant de se détourner du mouchoir, le mystère planant encore une fois sur l'objet.

Les traces de sa course effrénée à travers la base militaire effacées, le général Caster remit le mouchoir dans sa poche. Il lissa son uniforme pour enlever tous plis fictifs puis, d'un mouvement de tête sec, il ordonna le début de la réunion.

La mosaïque d'écrans qui faisait face au général et aux cinq militaires sous ses ordres s'illumina. Des têtes apparurent : celles des présidents, des premiers ministres et des chefs des armées des vingt-cinq pays les plus puissants. Soixante-quinze paires d'œil fixés sur lui, avides d'écouter sa solution mais prêts à l'éjecter du bateau au moindre faux pas.

Le général Caster sentit ses mains devenir moites. Il tenait là le moment qu'il attendait tant, celui pour lequel il avait passé des heures à observer, analyser et planifier. Tout cela allait prendre fin. Il n'y avait pas de doute au fond de ses pupilles d'un noir le plus profond. Aujourd'hui marquerait une nouvelle ère.

Le mouchoir pesait très lourd dans sa poche alors qu'il sautait les salutations d'usages pour rentrer dans le vif du sujet. Après tout, il les avait convoqués pour une réunion d'urgence, pas pour une session de bronzette.

- Je veux abolir la paix avec le Peuple de l'Eau.

Un hoquet étranglé, des yeux écarquillés de surprise, l'indignation...

- Je n'accepte pas les chèques !

- Pourquoi pas un vieux bourbon en échange ?

- Je croyais qu'il avait arrêté avec ça.

- Il y a un gouffre entre l'espoir et la réalité.

Le général Caster s'attendait à tout cela, sauf, au rire collectif et aux blagounettes qui accueillirent son annonce. 

- Qu'y-a-t-il de drôle je vous prie ? demanda-t-il avec dédain.

- Pourquoi est-ce qu'on attaquerait ses gens ? fit-on remarquer.

- Dois-je vous rappeler général que la dernière fois que vous avez entrepris une telle action, vous avez échoué ?

Il grinça des dents.

— Cette fois-ci, c'est différent. J'ai un homme à l'intérieur.

— La dernière fois aussi vous aviez quelqu'un.

— Une femme si je me souviens bien. Qui vous a fait tourner la tête.

La veine que ses hommes avaient appris à craindre se mit à palpiter sur sa tempe. Il s'exhorta au calme. Il ne tomberait pas dans la provocation. Il ne réitérait pas deux fois la même erreur.

— Colette Duval était parfaite pour ce rôle.

Des sourcils se levèrent, sceptiques.

— C'est eux, ils lui ont fait un truc...

Voyant leur expression, Caster se mordit l'intérieur des joues. Va à l'essentiel...

— Cette fois-ci, la situation diffère. C'est un des leurs. 


***

Petit mot de l'auteure:

Un petit coucou depuis mon lit à 1h du mat', en train de dévorer le browni cuisiné par mon frère. Intérêt à laisser un morceau si je veux survivre jusqu'au prochain chapitre. Upsi...

J'espère que cette première semaine de confinement se passe bien. Même si c'est dur, s'il vous plaît, restez chez vous. Y'a plus fun, mais soyons positif. Prenez soin de vous ♥ 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Kde žijí příběhy. Začni objevovat