Chapitre 35

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Il y avait le vide, les ténèbres à la surface des pensées et l'esprit divin s'animant au-dessus des rêves. Comme à la fin du monde, il n'existait plus rien que l'air, l'eau et le matelas dur sous elle.

Lorsque Moana se réveilla, sa tête lui faisait horriblement mal. Elle se trouvait allongée sur un dallage froid, dans une pièce qu'à première vue, elle ne connaissait pas. On avait troqué ses vêtements sales et humains contre une tunique épurée de couleur blanche. De là où elle était, la jeune femme entendait une voix susurrer d'un ton fiévreux, presque amoureux. Elle tourna la tête vers le murmure passionné pour voir un homme prier, les paumes des mains tournées vers un plafond où une multitude de cristaux luminescents étaient logés.

Moana se leva lentement, essayant de détendre son corps courbaturé. L'homme priait devant une pierre précieuse semblable à une opale noire multicolore. Elle avait la forme d'une goutte, elle lévitait au-dessus d'une colonne composée de flore marine. Ses pieds nus la déplacèrent jusqu'à se situer à sa hauteur. 

Elle connaissait cet homme. Il s'était présenté avec le Conseil sur la plage d'Urquhart où on l'avait condamnée à un séjour sans date limite. Il était aussi venu la chercher alors qu'elle dépérissait à petit feu et que tout le monde semblait l'avoir oubliée. Elle l'avait même entendue murmurer qu'il la mettrait en sécurité, mais de cela, elle n'en était pas vraiment certaine.

Moana se racla la gorge pour attirer son attention. L'homme aux cheveux argentés sourit faiblement. Il dessina une étrange suite de symboles, comme s'il se bénissait, puis se tourna enfin vers elle.

— Je suis heureux de vous voir réveiller. Vous sentez-vous bien ?

— Je suis un peu secouée, avoua-t-elle d'une voix sourde.

— C'est normal, je m'attendais à que vous vous sentiez ainsi.

— Il n'est pas facile de rester les bras croisés dans ce genre de situation. J'aimerai pouvoir faire quelque chose.

— Je ne peux que vous conseilliez de rester discrète pour l'instant. Qui sait, peut-être qu'avec le temps vous aurez l'occasion que vous attendez.

— Merci, soupira Moana.

— Mais ce n'est pas pour ça que vous m'avez dérangé pendant ma prière.

Moana eut l'air embarrassé.

— Pourquoi priez-vous ?

— Doit-il y avoir une raison particulière ?

— Je... eh bien, non mais... on prit toujours pour quelque chose. Pour notre famille et amis. Pour qu'un rêve se fasse réalité. Pour une vie plus facile. Pour remercier du bonheur actuel, en espérant qu'il continue pour toujours.

Il la regarda de ses yeux trop clairs avant de l'inviter à marcher avec lui.

— On peut prier pour cela aussi. Ou tout simplement parler avec la déesse.

— Parler ?

La jeune femme regarda derrière elle.

— Cette pierre... C'est la première fois que je ne vois pas une représentation matérielle humaine d'une divinité.

— Parce que notre Mère n'a pas de consistance. Notre religion est différente à la vôtre. Nous n'avons pas besoin d'idoles pour avoir la foi. Elle est constamment présente dans notre sang, sur la terre que nous foulons et l'eau dans laquelle nous vivons.

Elle réfléchit sur ce qu'il lui disait et aima leur manière de voir le monde. Ils n'éprouvaient pas le besoin de quatre murs pour La sentir, d'images pour se rappeler de Sa présence ou de ce qu'Elle pouvait accomplir. Parce qu'ils arrivaient à La percevoir et à la chérir sans preuves. A croire, tout simplement. C'était beau et innocent.

— Mais alors pourquoi avoir construit ce temple ? Que représente cette pierre ?

Egon sourit devant sa curiosité. Il l'amena hors de la salle aux crystaux. 

— Toute communauté réclame un lieu de rassemblement. On célèbre des naissances, de mariages ou des enterrements. On rit, on pleure. On se fait de nouvelles amitiés. Ici, (Il désigna plusieurs caissons incruster dans la roche marine, la façade couverte d'algues, que Moana reconnue comme des confessionnaux) nous avons la possibilité de parler : de nous, de notre foi, de nos problèmes... Nous apportons l'écoute et le réconfort que certains nécessitent désespérément.

Ils tournèrent pour arriver devant un immense jardin où plusieurs groupes de jeunes SAQUAS écoutaient avec attention le moine devant eux. Il bougeait en faisant de grands mouvements de bras ou de jambes, allant jusqu'à contorsionner son corps dans des explications loufoques pour la jeune femme.

— Nous sommes aussi des professeurs. Il y a des cours généraux, pour que les peuples puissent se mélanger et se découvrir ; puis des cours plus spécifiques, comme celui-ci, où les SAQUAS apprennent à comprendre leurs corps.

— L'idée est bonne mais je ne sais pas si les résultats sont ceux escomptés. Les seigneurs et seigneuresses ne semblent pas s'entendre.

— Ah.... Les adultes sont plus compliqués que les enfants. Surtout quand il est question de politique.

Moana ne put qu'être d'accord.

— Ce temple est plus qu'un bâtiment, il renferme la larme sacrée de notre Mère.

— Une larme ? dit-elle étonnée. Une larme de... de...

De l'index elle montra le ciel, enfin, ce qui leur faisait office de ciel.

— Oui, confirma Egon, une étincelle rieuse dans ses yeux platine.

Ebahie, Moana resta quelques instants sans voix. Ils continuèrent la visite du temple et profitèrent du calme imposant qui régnait. Ce n'est que lorsqu'elle s'extasia devant un magnifique poison et qu'elle remarqua les petites bulles qu'il créait, qu'elle s'aperçut d'un phénomène inquiétant.

— Mais, je respire ! Je respire, insista-t-elle devant son air impassible.

— ...Oui.

— Vous ne comprenez pas ! Je respire, dit-elle les yeux exorbités, sous l'eau.

— En effet, il semblerait que vos gènes vous aient transmis nos capacités, répondit-il, une étincelle calculatrice dans le regard qu'elle ne vit pas.

— C'est spectaculaire ! Vous croyez que je pourrais me transformer ? Oh mon Dieu, je n'aurais plus à mourir !

— Je ne voudrais pas vous revoir dans le même état que celui dans lequel je vous ai trouvé, mais mon enfant, ce n'est pas parce que vous pouvez vivre sous l'eau que vous avez les capacités d'effectuer une transformation complète, annonça Egon, stoppant d'un coup les petits sautillements joyeux de Moana.

— C'est vrai.... Attendez (Elle fronça des sourcils). Vous n'aviez pas l'air de savoir... Mais... vous... vous êtes... balbutia-t-elle devant son silence. Incroyable... 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now