Chapitre 31

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Depuis combien de temps était-elle prostrée à même sol ? 

La cellule était plongée dans la pénombre, la lumière disparaissait peu à peu tandis qu'elle sanglotait à s'en arracher les poumons. Elle inspira à plusieurs reprises lorsqu'elle sentit l'air lui manquer et les voies respiratoires se refermer brusquement. Prise de panique et au bord du vertige, Moana lutta pour aspirer le fluide vitale. Elle ouvrit grand la bouche, ses ongles griffèrent la peau sensible de sa gorge, ses yeux fixaient le plafond en suppliant pour que quelqu'un descende. Elle s'évanouit quelques minutes plus tard, à bout de force. 

Lorsqu'elle se réveilla, il faisait nuit noire. Désorientée, elle resta un moment les yeux grands ouverts dans l'obscurité, jusqu'à ce que les souvenirs reviennent à la mémoire. Elle roula sur le côté et ramena ses genoux contre son torse, en quête de chaleur. Au cours de la nuit, l'humidité de la cellule avait transpercé sa chemise et la faisait maintenant trembler de froid. Ses yeux étaient bouffis par les larmes versées qui, une fois séchées, avaient laissé des traînées translucides sur ses joues salies par la terre.

Moana se sentait épuisée, vide de toute énergie et terriblement seule. La présence de Colette, qu'elle croyait sentir chaque jour depuis son arrivée, avait disparu. Prise de vertige, la jeune femme ferma les paupières. Elle sentait qu'une part d'elle était morte le soir où on l'avait enfermé dans ce cachot. Emrys était un magnifique acteur, il s'était joué d'elle jusqu'au dernier moment. 

Elle revoyait encore et encore sa petite scène de jalousie au bord de la plage. Ses yeux indigo étincelants, la petite veine qui battait sur ses tempes, ses lèvres pincées en une moue dédaigneuse et ses joues rougies par la fureur... Il n'avait jamais été aussi beau qu'à cet instant où le contrôle étroit qu'il maintenait sur ses émotions s'évanouissait.

Si de prime abord elle s'était sentie offusquée par le comportement d'Emrys envers Braïn, une part d'elle ne pouvait s'empêcher de se sentir flattée. Elle se sentait horrible lorsque son orgueil était ainsi flatté, mais aucun homme n'avait encore agi ainsi devant elle. Certes, Moana et son exubérante personnalité (accentuée par deux ou trois cocktails bien corsés) attirait les abeilles comme le miel ; néanmoins, son caractère empêchait toute personne de prendre soin d'elle. 

Trop indépendante, son esprit ne se soumettait pas facilement. 

Trop féministe, elle refusait d'enrôler le stupide rôle de princesse en détresse. 

Moana ne prétendait pas se comparer à Xéna, célèbre guerrière de la Grèce antique, mais elle aimait l'idée de lutter contre les injustices. Non pas pour les autres, non, son cœur n'était pas assez pur pour cela et l'hypocrisie manquait à la liste de ses défauts. Pourtant, un œil expert aurait traduit son altruisme par le syndrome du super-héros. Ses actes, ses mots, ce sacrifice permanent au bénéfice des autres qui forçait l'admiration... Moana vivait pour recevoir la gratitude de se son entourage.

Elle ne se comportait pas ainsi, avant. Mais son refus d'interner Colette dans une résidence spécialisée avait eu des conséquences sur sa vie. Moana s'était distanciée de ses amis et avait dû chercher un travail pouvant s'effectuer à domicile pour se donner corps et âme aux soins de Colette. Ignorant sa souffrance après sa mort, la jeune femme avait cherché à retrouver cette sensation de bien-être qui l'envahissait lorsqu'on avait besoin d'elle. Aussi, une fois par semaine, elle devenait bénévole dans des maisons de retraites puis le weekend, nounou. 

Lorsque le notaire était venu lui annoncer les dernières volontés de mamie Colette, Moana n'avait pas pu refuser. Elle était montée dans le premier avion en direction de l'Ecosse pour retrouver Aonghas, l'amour impossible de sa grand-mère. Avec ce voyage, elle pensait calmer les souffrances d'un vieil homme et —maintenant qu'on l'avait mise au courant— retrouver son géniteur. Avec ses retrouvailles, elle éloignerait définitivement lassitude et désespoir de son père. Elle prendrait soin de lui jusqu'à son dernier souffle, tout comme elle l'avait fait avec Colette. Mais voilà, lui aussi était mort. 

Petit à petit, alors qu'elle découvrait le domaine d'Urquhart et son histoire, Moana se sentit revivre. Ici, elle pouvait être utile ! Elle atténuerait la perte de Lorna en faisant office de deuxième fille, elle chasserait la tristesse d'Isobel, elle lèverait le rideau d'indifférence qui recouvrait habituellement le visage d'Emrys et le ferait sourire. A Urquhart, elle....

Et puis la réalité vint éclater ses illusions. Moana étouffa un sanglot, comme si elle avait peur qu'on ne l'entende. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now