Chapitre 48

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Le général Caster fit un signe et MacGyver déroula une carte géographique d'Urquhart et de ses alentours. Les militaires s'agglutinèrent autour de la table métallique. MacGyver remonta ses lunettes rectangulaires sur son nez, son visage rougit par l'attention suscitée.

 Les mythes autour du château étaient nombreux. Ils avaient créé des images qui avaient elles-mêmes fomenté des légendes alimentées par l'imagination et les croyances de chacun. Les écrits témoignaient d'un globe lumineux venu des profondeurs de la mer qui s'était déplacé horizontalement, de droite à gauche, décrivant des cercles au-dessus du lac à plusieurs reprises.

 Puis il avait arrêté ses déplacements et pendant des heures, il avait flotté sur la surface cristalline avant d'atterri délicatement sur l'herbe violentée par les rafales. Peu après, la boule lumineuse implosa, étourdissant les voyeurs. Quand ils se réveillèrent, au centre du promontoire rocheux s'érigeait un château auquel personne n'avait accès. 

On relatait à voix basse que Merlin l'Enchanteur avait mis en place la barrière qui protégeait Urquhart. La magie au temps des Hommes était rare et précieuse. Ceux qui connaissaient sa valeur souhaitaient sans accaparer, d'autres craignaient la magie et la forme qu'elle prendrait pour châtier les imprudents. 

De nos jours, ces mythes avaient pris une tournure plus réelle mais non moins mystique. Ils utiliseraient ces croyances pour justifier les ondes de magie qui balayeraient l'Ecosse lorsque Goby briserait la barrière magique. 

MacGyver déplia un plan d'architecte obtenu grâce à leurs drones et qui rappelait les châteaux construits au moment de son apparition. Les sentinelles écossais occupaient le promontoire triangulaire de Strone Point, sur la côte nord-ouest du Loch Ness, dominant ainsi le paysage alentour. Le château était assez proche du niveau de l'eau, il déposait de sa propre plage, ce qui les avantageaient pour deux raisons : d'une part, ils disposaient d'un d'une échappatoire inaccessible aux Humains ; de l'autre, ils pouvaient recevoir de l'aide externe. 

MacGyver ne connaissait aucun moyen de condamner l'accès à la plage, l'évitée serait donc primordiale pour leur mission.

— Et la grotte ? interrompit Chip. Vous pourriez arriver par plongée. Étant en contrebas et de nuit, personne ne vous verra.

— Le problème, lui répondit Adlan, c'est que nous ne sommes pas des plongeurs de l'armée de Terre. D'ailleurs, sur leur domaine, on ne ferait pas long feu. Je n'imagine même pas ce qu'on pourrait trouver dans le lac si jamais on osait y mettre un pied.

Un frisson de terreur parcourut l'unité.

— Goby et Ena nous ont donné le chance de mieux comprendre leur peuple, informa le général Caster. (Goby sourcilla). Mais n'oublions pas que nous sommes ignorants de leurs armes et de leur manière de faire. Gardez à l'esprit que la surprise sera notre meilleure alliée. Nos erreurs, leur chance.

Un signe de tête et MacGyver continua à étaler sa mémoire extraordinaire.

MacGyver remonta les manches de sa chemise de combat et ouvrit une petite boite métallique placée à sa gauche. Elle contenait une multitude de drapeaux et pions colorés, fabriqués en bois. Il en sortit un drapeau rouge et le positionna à l'entrée ouest. L'entrée principale serait impossible d'accès, annonça-t-il.

De l'autre côté, continuale binoclard, de grands espaces plats, idéals pour rassembler des troupes,étaient occupés par des bâtiments utilitaires tels des fermes ou le lavoir. Unedouve de trente mètres de large protégeait le château d'une invasionsterrestres. Le seul moyen d'accès était une chaussée en pierre au milieu delaquelle se dressait un pont-levis. 

La chaussée, quand-a-elle, était entouréepar des murs fortifiées qui protégeaient une entrée circulaire. La barbacaneétait surmontée d'une bretèche sur laquelle était gravée un cheval fièrementdebout sur ses pattes arrière et percée de meurtrières destinées à renforcerles défenses de l'entrée.

Le château formait un huit étiré le long du lac. Il était organisé autour de deux cours : la basse-cour abritait la majorité des bâtiments dont une tour haut de cinq étages à l'extrémité nord. MacGyver y plaça un pion bleu. La haute-cour, au sud, était située à une altitude plus élevée que la basse-cour. Un mur-rideau fermait les deux cours, ne laissant qu'une petite ouverture pour circuler. Et c'est là que se situait leur seul moyen d'entrer à Urquhart. Il déposa un deuxième drapeau, suivit de cinq pions rouges.

— Sur le mur oriental de la haute-cour, il y a une porte d'eau qui donne accès aux rives du loch. Les bâtiments adjacents sont les écuries. Braïn ayant disparu (le général serra les poings dans les poches de son treilli), nous méconnaissons le fonctionnement du nouveau palefrenier.

— Je dirais même, ajouta Chip, que mes bébés équipés de capteurs infrarouges n'ont pas pu l'identifier. C'est comme si les écuries avaient été abandonnées peu après la mort de Braïn.

— Elles l'ont été. Les écuries doivent être purifiées à la prochaine pleine lune pour être habitables, précisa Ena.

Ces mots, à peine plus fort que le chuchotement du vent, prononcés depuis un coin éloigné du bunker, leur hérissa les poils de la nuque. Même si sur son visage on entrevoyait encore les joues rebondies de l'enfance, il y avait une étincelle dans ses pupilles qui attisait la crainte. Seul le général Caster n'en avait pas peur, ou alors, il le cachait très bien.

MacGyver plaça un pion vert au-dessus des écuries puis un bleu, juste à côté, là où se trouvait la cantine du château. Les caméras de vidéo-surveillance avaient observé une concentration de la population locale dès le coucher du soleil. Les Mackintosh s'y donnaient rendez-vous chaque soir pour manger tous ensemble. Il s'agissait de l'endroit parfait pour y placer un explosif.

— Créer une bombe artisanale sera facile, répondit Adlan avec assurance. J'ajouterai une enveloppe en bois vieilli pour qu'elle se fonde dans un décor écossais. Il faudra que je règle le problème de l'odeur et du minutage.

Après une seconde d'hésitation et un coup d'œil rapide au général Caster, il se tourna vers Goby et Ena. Leur présence lui faisait froid dans le dos mais ses yeux ne trahissaient aucune émotion. La méfiance faisait naturellement partie du hongrois, il ne les aimait pas et se méfiait des petits secrets qu'ils gardaient pour eux. 

Après tout, pouvez-t-on véritablement tourner le dos à sa race, à son clan, à sa famille ? Il ne le croyait pas. Pourtant, il ne pouvait nier leur utilité. Toute information était bonne à prendre, même venant de traitres. Tu n'es traitre, tu vis comme un traitre, tu meurs en traitre...

— Quelle est votre capacité auditive et olfactive ? Jusqu'où...

Laissez tomber, interrompit Goby, une pointe de rage dans la voix. Nous ne sommes pas des sentinelles. Merde, vous ne comprenez toujours pas ? Ils sont dangereux.

Le métisse essaya d'insuffler dans ce dernier mot la peur qui le paralysait à la proximité du château. C'était étrange, presque anormal et pourtant, sa peur, instinctive et indéniable, lui semblait réelle. Elle ruisselait sur ses temps et son dos en un long filet de sueur.

— Je comprends votre inquiétude, le calma Caster, mais nous sommes les seuls habilités à évaluer leur dangerosité. Nous avons lu le rapport et...

— Le rapport, s'étrangla Goby.

Il avait une lueur particulière dans son regard noir. Un mélange de peur, frustration et dédain.

Le rapport a été faussé (Goby ne remarqua pas le dos tendu comme un arc du général). Tous vos rapports, vos déductions, vos tactiques sont créées à partir de gens comme moi. Moi pas eux.

Il reprit son souffle et continua d'une voix plus posée :

Nous ne serons jamais comme eux. Nous n'avons pas de clans, pas de déesse à nos côtés. Nous sommes libres. Monstrueux mais libres. Je ne veux pas de cette liberté, murmura-t-il pour lui seul.

La température du bunker baissa de plusieurs degrés. Un froid palpable comme un voile de glace s'abattit sur les soldats.

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant